Connaissance de Jon Fosse
Étincelles de Jon Fosse. Mise en scène de Gabriel Dufay. Studio de la Comédie-Française, à 18 h 30 jusqu’au 2 novembre. Tél. : 01 44 58 15 15. comedie-francaise.fr
Pour accompagner Jon Fosse à la Comédie-Française où il est programmé pour la première fois – c’est une événement – nul mieux que Gabriel Dufay, un des traducteurs du norvégien nobélisé, n’était apte à être désigné pour le présenter. Traducteur, auteur, metteur en scène, comédien… Gabriel Dufay a toujours fait état de son admiration, et le mot est peut-être même trop faible, pour Jon Fosse avec lequel il a réalisé depuis maintenant une vingtaine d’années une série d’entretiens récemment réunis dans Écrire, c’est écouter. Gabriel Dufay intitule son texte d’ouverture du livre Une histoire d’étincelles. Étincelles, il y revient, est justement le titre du spectacle qu’il propose au Studio de la Comédie-Française qui n’est certes pas une œuvre de Fosse, mais un montage de quatre très courtes de ses pièces présentées avec des poèmes. Un titre auquel Dufay tient particulièrement car emblématique de l’œuvre même de l’auteur norvégien. Il s’en explique très bien dans les différents dossiers – très fournis – accompagnant le spectacle.

De ces « poussières » de textes (comme on parle de poussières d’étoiles) Gabriel Dufay s’est donné l’enjeu de faire œuvre, non pas une et indivisible, mais d’une parfaite cohérence. De ce point de vue elle l’est parfaitement, si bien que les différentes césures et autres changements de régime des différents écrits n’interrompent pas la continuité de l’ensemble, ce qui est un point plutôt positif. Unité de jeu (excepté pour Clément Bresson qui force trop) et de ton pour nous mener dans un univers géométrique et pour ainsi dire aseptisé signé Margaux Nessi qui est d’une belle justesse par rapport à ce que Gabriel Dufay tente de mettre en place dans une trajectoire chargée de nous mener dans une autre dimension dans laquelle baigne l’ensemble de l’œuvre de Jon Fosse. Le titre d’une des pièces courtes présentées est de ce point de vue plutôt emblématique : Pendant que la lumière baisse et que tout devient noir, avant que le vers d’un des poèmes ne vienne compléter sa pensée : « Je veux écouter les anges qui viennent de mes amis morts »…
C’est assez fascinant et les quatre autres comédiens du spectacle, Morgane Real, Anna Cervinka, Didier Sandre et Sefa Yeboah, se prêtent volontiers à ce jeu nous menant dans le très particulier univers de Jon Fosse, dans un état de conscience quasiment somnambulique aux frontières de la vie et de la mort toujours présente. On est bien au cœur même de la matière que Jon Fosse travaille d’œuvre en œuvre et que l’on retrouve bien entendu dans le spectacle de Daniel Jeanneteau et de Mammar Benranou qui se donne en ce moment même au T2G théâtre de Gennevilliers et avant que Gabriel Dufay, lui-même, ne reprenne très bientôt sa mise en scène de Vent fort au théâtre de l’Échangeur. Les différentes modulations d’écriture de Jon Fosse dans des dispositifs toujours un peu particuliers voire singuliers (celui du Studio de la Comédie-Française l’est parfaitement) mises au jour par les metteurs en scène ne peuvent que servir la connaissance d’une œuvre qui semble paradoxalement travailler le ressassement comme point d’accomplissement et d’éclaircissement de sa pensée.
Photo : © Vincent Pontet
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