Une simplicité lapidaire

Jean-Pierre Han

1 avril 2024

in Critiques

Larzac ! De et par Philippe Durand. Spectacle en tournée jusqu’au 7 avril à la MC2 de Grenoble, du 9 au 11 avril à Rouen, les 19 et 20 avril au théâtre du Hangar à Toulouse, du 25 au 27 avril à Bagnères-de-Bigorre, les 2 et 3 mai à la Communauté des communes de la Châtaigneraie.

Puis Festival off d’Avignon en juillet au Théâtre des Halles. Tél. : 04 32 76 24 51.

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On ne saurait faire plus simple : Larzac ! Une simplicité de bon augure qui annonce celle de la représentation, mais qui, avec le point d’exclamation, devient lapidaire, comme le spectacle. Très important le point d’exclamation : il dit tout du projet, du jeu théâtral de Philippe Durand, et en fin de compte de l’enjeu de la représentation. Mais il s’agit bien d’un travail théâtral que l’on aura peut-être un peu de mal à définir avec concision et justesse. Politique ? Engagé ? Militant ? Que sais-je encore ? Toutes les définitions sont mises à bas. C’est quelque chose de particulier que nous propose le comédien, metteur en scène, concepteur. Une nouvelle forme « militante » dans une vraie-fausse tranquillité déjà expérimentée avec succès dans 1336, parole de Fralib qui évoquait justement les 1336 jours de lutte des ouvriers du groupe Unilever, le fabricant des thés Lipton et Éléphant, pour faire vivre leur usine – que la multinationale voulait fermer – après avoir repris les choses en mains en créant une SCOP qui, dix ans après, poursuit sa route malgré les tentatives de boycott des marques concurrentes. Cette forme dans sa simplicité même était déjà d’une rare efficacité. Le comédien était seul en scène, assis à une table et racontait, jouait les paroles recueillies des protagonistes de l’affaire. C’était tout, et c’était déjà immense.

Le point d’exclamation, j’y reviens, c’est aussi l’affirmation et la fierté d’avoir gagné un combat, même si dans ce type d’affrontement rien n’est jamais définitif.

Avec Larzac ! Philippe Durand récidive donc assis à sa table sur laquelle repose le texte, recueil des témoignages des protagonistes de l’affaire évoquée. Il a beau tourner les pages, suivre la trajectoire graphique des propos tenus, il porte en lui les paroles recueillies : tout le théâtre est déjà là. Cette affaire du Larzac date des années 1970 (il y a donc plus d’un demi-siècle) quand l’État annonça son projet d’extension du camp militaire du Larzac-Nord qui de 3000 hectares devait passer à 17 000 hectares. 103 paysans du cru décident de lutter, prêtent serment de ne pas quitter leurs terres ; c’est le début d’une décennie de luttes avec une gamme d’actions en tous genres largement au-delà du Larzac. Il faudra attendre 1981 pour que l’État renonce officiellement à l’extension du camp. Une première victoire qui sera affermie grâce à la constitution de la Société Civile des Terres du Larzac (SCTL), puis avec la signature d’un bail emphytéotique qui a été prolongé jusqu’en 2083. La gestion collective des terres agricoles mise sur pieds perdure depuis maintenant 40 ans. Mais c’est bien l’aujourd’hui de ce combat dont rend compte Philippe Durand à travers les témoignages des hommes et des femmes qu’il a pu rencontrer. Formidable faisceau de voix avec chacune sa particularité : c’est tout un monde que le comédien fait revivre, avant de se muer après la représentation – hors scène donc – en militant de la cause en répondant aux questions que ne manquent pas de poser les spectateurs tout en mettant à leur disposition quelques notices explicites sur l’historique de « l’affaire » et la société GFA Larzac notamment.

Photo : © Mas Razal