L'Humanité. 21 décembre 2020.

Frictions

13 janvier 2021

in Revue de presse

Article publié dans L'Humanité du 21 décembre 2020 à propos du n° 32.

La chronique théâtrale de Jean-Pierre Léonardini

On a bien besoin de Frictions

Jean-Pierre Han annonce la couleur : « Les blancs de la vie théâtrale », dans son éditorial du numéro 32 de la revue Frictions (1). Sans théâtre, la pensée à son endroit continue. Suit « La guerre des virus », bref dialogue coupant dû à Heiner Müller. Jean Lambert-Wild, avec « À la guerre comme à la guerre », médite sur le discours du jeune homme qui préside aux destinées du pays, depuis atteint, lui-même, par l’adversaire invisible. Dans « Les poulets sans tête ou l’émergence de “l’effet Mike”, Lorenzo Malaguerra, avec humour, tape à peu près sur le même clou. Jean Jourdheuil, dans « La rature », jongle avec brio sur sa défiance à l’égard des colloques. Simon Capelle se penche sur « L’ennemi du théâtre », à partir d’une réflexion sur le corps inemployé par la force de choses, qui pourrait en retour, après la scène désertée, casser la baraque. Hervé Blutsch, sous le titre « Décentralisation : retour d’expérience », rapporte une sienne cruelle mésaventure d’auteur.

Lancelot Hamelin, dans « Sous la flache » – un mot de Rimbaud dans le Bateau ivre – joue du scalpel quant au substrat idéologique des pièces de Falk Richter, qui a écrit, entre autres, Sous la glace. Thomas Bruckert, avec « Saccage et soin : drame à deux », envisage un dialogue entre A. et B. Pour finir : « Personne n’est sorti et quelqu’un a dû mourir. » Chloé Larmet, dans « Bal pour vampires » se livre à une profonde analyse spectrale de Capri, somptueux spectacle de Krystian Lupa d’après Curzio Malaparte. Gilles Aufray, dans « Lettre à mon frère », explore le dispositif générateur douloureux de l’écriture, en anglais, en français, autour de celui qui n’est plus et de l’impossible deuil. Dans « Où il vous plaira… », Thierry Besche, « assembleur de son », passe magistralement au crible l’espace sonore dans deux spectacles, l’un de Julie Duclos, l’autre de Maëlle Poésy. Forte participation de Simon Capelle, en vers libres et sous l’aile d’Artaud, dans une vibrante coulée de texte intitulée « Idiot ». Dessins, collages et photomontages ponctuent ces pages peuplées de vigoureux paradoxes. Ne pas oublier de scruter les portraits en noir et blanc, par le photographe Tristan Jeanne-Valès, de Christophe Tarkos, Raoul Vaneigem, Jean-Jacques Lebel, Marcel Hanoun, Gérard Berréby et Tony Gatlif. Frictions poursuit ainsi son chemin d’intelligente irrévérence, dans un petit monde qui en manque cruellement.

(1) 170 pages, 15 euros. Rédaction, abonnements : 27, rue Beaunier, 75014 Paris, tél./fax : 01 45 43 48 95, frictions AT revue-frictions.net et www.revue-frictions.net