Rire ou ne pas rire

Jean-Pierre Han

23 septembre 2020

in Critiques

Aux éclats… de Nathalie Béasse. Théâtre de la Bastille jusqu’au 8 octobre à 21 heures. Tél. : 01 43 57 42 14.

gulièrement accueillie par le Théâtre de la Bastille à Paris, au point de se voir offrir l’année dernière deux mois entier d’ « occupation » totale des lieux, Nathalie Béasse jouit d’une belle réputation, qui se transforme pour certains – des inconditionnels – en véritable enthousiasme. Sans doute faut-il profiter de l’opportunité de son nouveau spectacle, toujours dans le même lieu, et avant reprise de la tournée, pour se faire une idée plus précise du bien fondé d’un tel accueil.

Lors des journées d’occupation, Nathalie Béasse, une jeune femme qui n’a pas suivi le cursus habituel des écoles de théâtre, mais est passée par celui des Beaux-Arts, avait présenté quelques images de son nouvel opus, très justement, et avec un certain humour, intitulé Aux Éclats… (prière de faire attention aux points de suspension). Il faut prendre ces éclats au pied de la lettre. Il s’agit bien en effet d’éclats de théâtre, autrement dit inutile de chercher une ligne dramaturgique tracée à gros traits, pas d’histoire linéaire comme on les attend toujours peu ou prou sur une scène de théâtre, mais vraiment des éclats, des morceaux de théâtre (appelons cela de ce terme faute de mieux) sans forcément de liens les uns avec les autres. Nathalie Béasse a réalisé un vrai travail de déconstruction ! Et pour faire bonne mesure, ces éclats revendiqués haut et fort, ce sont aussi ces morceaux de décor dont certains tombent des cintres, d’autres, abîmés, cassés, sont remisés dans un coin de la scène, le tout dans des nuages de poussière. Un bric-à-brac très savamment disposésOn appelle cela une installation. Rien là de bien nouveau, pourra-t-on dire. On a déjà vu ça maintes fois, et on pourra toujours trouver de nombreuses références, de Farid Chopel (dans les années 1980 ; si Nathalie Béasse était née elle ne devait pas être bien grande…) par exemple à Jérôme Deschamps plus près de nous, d’autres encore…, mais peu importe, Nathalie Béasse ne prétend pas faire œuvre originale dans ce domaine. D’ailleurs la seule référence à laquelle elle s’accroche et qu’elle revendique est celle de Buster Keaton pour ce qui concerne les olibrius (ils sont trois) qu’elle jette sur la scène. Une référence pas forcément évidenteCes olibrius, des clowns eux aussi, se feront attendre avant de consentir à apparaître côté salle et de finir par monter sur le plateau. Commencera alors, presque tranquillement, une suite de numéros : c’est la loi du genre. Sauf que, revers de la médaille de cette loi, les numéros ne sauraient être de la même intensité, de la même qualité : il y a des hauts et des bas, des séquences plus réussies que d’autres, certaines où le rire ne parvient pas à se déployer. Ce qui est un peu gênant si on veut bien considérer que le spectacle se veut une « suites de variations sur la chute (on l’a vu) et le rire ». On reste souvent au stade du sourire, ce qui est déjà pas mal, mais nous éloigne du burlesque annoncé par Nathalie Béasse. Pour l’heure on attendra le prochain opus de Nathalie Béasse, sachant que selon ses dires « chaque spectacle est la suite de celui qui le précède. »