FESTIVAL D'AVIGNON IN

Jean-Pierre Han

19 juillet 2019

in Critiques

Non-sens et absence de sens

Lewis versus Alice d’après Lewis Carroll. Mise en scène de Macha Makeïeff. La Fabrica jusqu’au 22 juillet à 18 heures. Tél. : 04 90 14 14 14. festival-avignon.com Exposition Trouble fête de Macha Makeïeff. Maison Jean Vilar, jusqu’au 23 juillet.

Macha Makeïeff s’est approprié l’univers de Lewis Carroll au point de le confondre avec le sien propre. C’est en tout cas ce que l’on peut constater dans l’intéressante exposition qu’elle présente à la Maison Jean Vilar et dans laquelle se retrouve le bric-à-brac de son enfance mêlé aux extraits du Journal de Charles Lutwidge Dodgson, le véritable nom de l’auteur d’Alice au pays des merveilles. Bric-à-brac car lors du parcours de cette exposition justement intitulé Trouble fête on trouve de tout : une multitude d’objets insolites, des petits squelettes d’animaux qui pourraient presque faire penser à certains objets de Johnny Lebigot exposés il y a quelques années au Festival, nombre d’animaux, grands et petits, empaillés, et autres réjouissance du même type. Le trouble est là effectivement. Concernant cette exposition, Macha Makeïeff précise qu’il s’agit moins d’une exposition que de « théâtre immobile ». Tout ce qui est exposé, même de belle manière, reste effectivement immobile, mis à plat, sans vraiment faire théâtre. Dans ce registre Macha Makeïeff excelle. Le problème, c’est que dans son spectacle de théâtre, Lewis versus Alice, on reste désespérément dans le même registre d’immobilité et d’à-plat. En un mot, le spectacle n’est que la continuité de l’exposition et ne s’élève jamais à hauteur de… théâtre.

En préambule à l’exposition, il est clairement affirmé : « construire avec des fragments, des éclats, des trous, des absences, des manques, ne pas être dans un récit raisonnable, jamais. Il faut laisser la marque du chaos de la vie ». On s’en réjouit, mais appliqué au travail théâtral, c’est la déception totale, rien ne s’agence avec rien. Lewis versus Alice rassemble des extraits de textes épars de Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles, la Chasse au Snark, De l’autre côté du miroir, etc., le tout agrémenté d’écrits concernant la vie de l’auteur, un beau mélange sans fil conducteur, sans réelle dramaturgie, sans réelle nécessité. Le non-sens de l’univers carrollien a bon dos ; il y a là plutôt une absence totale de sens (de celui du non-sens justement). Le tout est d’une grande platitude et peine à se développer dans une belle enveloppe certes, celle des décors et des costumes de Macha Makeïeff en personne. Si chaos il y a, ce n'est pas celui de la vie, mais simplement celui du spectacle.

Jean-Pierre Han