Mécanique tragique

Jean-Pierre Han

4 décembre 2013

in Critiques

Œdipe Roi de Sophocle. Mise en scène d'Antoine Caubert. Théâtre de l'Aquarium. Jusqu'au 15 décembre. Tél. 01 43 74 99 61.

Montant ce « classique des classiques », cette œuvre originelle qu'est l'Œdipe Roi de Sophocle, Antoine Caubet joue cartes sur tables. Ces cartes, le dispositif scénographique signé Isabelle Rousseau nous les donne d'emblée, avant même que ne débute le spectacle, à moins que le spectacle n'ait déjà commencé dès les premiers pas des spectateurs dans la salle : des gradins en bois nous font face, juste derrière ce qui doit être l'aire de jeu. L'une des comédiennes, Delphine Zucker, qui aura la charge d'interpréter la partition du chœur en compagnie de Cécile Cholet, vient nous faire un petit discours introductif. Quand commence le spectacle ? Pour l'heure nous avons une subtile mise en abîme chargée de nous interpeller, de nous mettre dans le bain, pour le dire plus crûment. Car c'est bien de cela qu'il s'agit : nous mettre dans la situation qu'avait sans doute à l'époque du poète l'assemblée de spectateurs. C'est bien l'axe autour duquel gravite la mise en scène d'Antoine Caubet : réinterroger la place du spectateur pour une affaire de la cité qui le concerne. On comprend dès lors les costumes d'un contemporain neutre également signés Delphine Zucker. On comprend surtout le jeu des comédiens, Pierre Baux en Œdipe si proche, si « quotidien », avec Clotilde Ramondou (Jocaste) et Antoine Caubet lui-même dans le rôle de Créon, Eric Feldman interprétant les autres personnages (le Prêtre, Tirésias, le messager de Corinthe, le messager du Palais), pas forcément par souci d'économie de production, mais aussi parce que tous ces personnages appartiennent à la même sphère, loin de celle, tragique, d'Œdipe. Alors peut commencer ce jeu de reconstitution du puzzle : dans la feuille de salle distribuée aux spectateurs apparaît en première page un énorme Rubicube. Une fois toutes les combinaisons essayées, apparaîtra le dessin final, le destin final. L'agencement et les combinaisons proposés par Antoine Caubet et ses comédiens est tout à fait probant, d'une intelligence serrée. Ils ne lâchent rien et nous incluent définitivement dans leur parcours. Nous sommes saisis au collet, sommé de participer à la démonstration tragique.

Jean-Pierre Han