D'un combat l'autre, du Liban à la France

Jean-Pierre Han

27 janvier 2013

in Critiques

Ma Marseillaise de et par Darina Al Joundi. Mise en scène d'Alain Timar. Théâtre la Bruyère, à 21 heures. Tél. : 01 48 74 88 21.

La silhouette gracile de Darina Al Joundi cache une force et une violence inouïes. Celles-ci avaient éclaté dans un premier temps dans Le Jour où Nina Simone a cessé de chanter : un véritable choc et l'incontestable révélation du festival off d'Avignon. Depuis, le texte écrit au couteau par la jeune femme a été publié (chez Actes Sud) ; Darina Al Joundi l'a porté dans maints et maints lieux, et après plusieurs années de tournée elle est revenue sur les planches avec Ma Marseillaise, toujours sous la discrète et intelligente direction d'Alain Timar, pour narrer la suite de son parcours de combattante. Car Darina Al Joundi a fini par quitter son pays natal, le Liban et ses cauchemars, pour se réfugier en France où commencera pour elle un cauchemar d'un autre ordre, celui de sa tentative de naturalisation. Retrouver à tout prix ce qui a fait le succès d'un spectacle est toujours dangereux : le risque d'être dans la fabrication pure est grand. On pouvait donc tout craindre de cette « suite » au premier travail de Darina Al Joundi. L'appréhension est vite balayée : il suffit de quelques minutes seulement pour retrouver toute la fraîcheur de la force combattante – un force de vie tout simplement – de la jeune femme qui prend possession de l'espace, l'habite véritablement. Alain Timar lui en aura donné les clés. Le choc est le même que pour Le Jour où Nina Simone a cessé de chanter, d'autant que même en France, le Liban est toujours présent dans le corps et le cœur de Darina Al Joundi. S'ajoute simplement dans la narration de Ma Marseillaise une dimension presque comique due à l'aspect kafkaien de la situation de l'actrice. Le rire est plutôt amer, d'autant que le spectacle s'achevait à Avignon, où il a été créé cet été durant le Festival, au Théâtre des Halles, sur cette nouvelle toute fraîche : le rejet de sa demande. Nous étions au mois de juillet, le spectacle et l'histoire de sa comédienne largement « couverts » comme on dit dans le jargon journalistique. Le lendemain de la parution d'un article paru dans le journal Le Monde, Darina Al Joundi recevait un coup de fil du ministère de l'Intérieur lui annonçant que sa demande de naturalisation allait être prise en compte… De l'effet bénéfique de l'acte théâtral, en quelque sorte !

Jean-Pierre Han