"Une maison de poupée" : un nouveau regard

Jean-Pierre Han

13 mars 2010

in Critiques

"Une maison de poupée" d'Ibsen. Mise en scène Jean-Louis Martinelli. Théâtre Nanterre-Amandiers. Tél. : 01 46 14 70 00.

Difficile d’échapper à la tentation d’établir des comparaisons entre les différentes mises en scène d’Une maison de poupée d’Ibsen si l’on sait qu’avec Jean-Louis Martinelli, le directeur des Amandiers de Nanterre, nous en sommes, en l’espace de quelques mois, à la quatrième proposition scénique de la pièce ! Écartons d’emblée le travail de Daniel Véronèse qui, pour aussi brillante qu’elle fut, était surtout une adaptation très personnelle de l’œuvre du dramaturge norvégien. Écartons aussi le spectacle signé Michel Fau avec Audrey Tautou dans le rôle-titre ; j’en ai dit tout le mal que j’en pensais. Resterait la mise en scène de Stéphane Braunschweig, en tous points opposée à celle de Jean-Louis Martinelli, même si les deux hommes ont choisi de situer la pièce dans une sorte d’atemporalité, ce qui est une manière, justement, de ne pas la situer ! Chez Martinelli dans le vaste espace, comme toujours élaboré par Gilles Taschet, où apparaissent des éléments forçant, en fond de scène, les protagonistes à une certaine trajectoire, le drame tourne pour ainsi dire au tragique. Silhouettes découpées comme dans un jeu à l’issue inéluctable. Le texte résonne de façon étonnante, mettant en lumière certains aspects pas forcément soulignés chez Braunschweig qui préféra d’autres lignes de tension, celle de la mort notamment. On me dira qu’il n’y a là rien que de très normal, chacun ayant forcément un point de vue particulier ! Et c’est justement la force des grandes œuvres que de permettre sans dommage cette multiplicité d’approches qui ne nuisent en aucun cas à l’appréhension de la pièce. Cette différence aussi nette entre les deux spectacles est peut-être due… au texte lui-même, c’est-à-dire aux traductions qui en ont été faites. Dans le cas présent Jean-Louis Martinelli a retraduit la pièce avec Grégoire Oesterman et Amélie Wendling, au lieu que Braunschweig avait préféré la traduction d’Eloi Recoing… Du coup il y a dans l’actuel travail d’écriture quelque chose de plus âpre, de plus saillant, une découpe nette pleinement assumée par les comédiens, Marina Fois en tête. Dommage qu’à cette netteté ne corresponde pas toujours la mise en scène de Martinelli qui brouille les signes. Évidemment toute l’attention se porte sur le personnage de Nora autour de laquelle se développe la pièce. Marina Fois y est parfaite d’intelligence, donnant avec un bel aplomb, dès le début, des signes de sa future prise de conscience et de ses conséquences, à savoir la rupture avec son mari, devenant femme, ou simplement être humain, à part entière. Ses camarades de plateau, Alain Fromager (le mari, Hellmer) tout particulièrement, l’y aident en tous points.

Jean-Pierre Han