L'esthétique du vide

Jean-Pierre Han

23 février 2010

in Critiques

La mélancolie des dragons de Philippe Quesne. Spectacle en tournée.

Le dernier spectacle de Philippe Quesne, La mélancolie des dragons, ne parle pas vraiment de mélancolie, ni de dragons. Pour tout dire, on ne sait pas vraiment de quoi parle La mélancolie des dragons, mais il faut reconnaître à Philpppe Quesne un talent certain pour trouver des titres. On pourrait résumer rapidement la fable comme ceci ; six hommes aux cheveux longs, jean et perfecto (ambiance Metallica) tentent de monter un parc d'attractions un peu brinquebalant autour d'une thématique un peu floue (la mélancolie, les éléments, ...?). Une seule femme sur scène, Isabelle Angotti, se prête au jeu de la visite du parc devant des spectateurs partagés entre le rire et l'ennui. Mais tout ceci n'a que peu d'importance car Philippe Quesne ne fait pas attention à ce qui se raconte. Il s'évertue même à ne rien raconter du tout, avec toutes les précautions possibles pour qu'on ne lui prête aucune intention. On voit bien sur quoi il lorgne, un spectacle entre burlesque et éloge des petits riens, seulement voilà, ce genre de spectacle demande, plus que d'autres encore, du génie. On ne peut s'empêcher de penser aux Frères Zénith, à ses corps, à sa poésie. Ici, pas de corps, pas de direction d'acteurs, pas de direction du tout d'ailleurs. Une esthétique (Philippe Quesne est plasticien) qui prend toute la place, et reste malheureusement inanimée tant elle manque de corps (ce qui est un comble lorsqu'on a des comédiens comme Emilien Tessier ou Gaëtan Vourc'h). Car, à force de ne rien vouloir dire, d'être effrayé par la moindre pensée, on sombre doucement dans un vide réflexif assourdissant. Il semble bien que pour faire naître la poésie dans le bricolage, il faille avoir une vision du monde à partager, une vision poétique, une vision politique... Ce spectacle ne renvoie aucun signe, comme s'il avait absorbé la vacuité de notre société, où la moindre étincelle de pensée est considérée comme une arme ennemie. On ne peut pas vraiment dire que La mélancolie des dragons soit un spectacle raté, car, en un sens, il réussit parfaitement ce qu'il vise ; une esthétique du vide.

Sidonie Han