Un travail d'orfèvre

Jean-Pierre Han

5 décembre 2009

in Critiques

Les affaires sont les affaires d’Octave Mirbeau. Théâtre du Vieux-Colombier à Paris, jusqu’au 3 janvier 2010 à 20 heures. Tél. : 01 44 39 87 00/01

C’est entendu : Les Affaires sont les affaires d’Octave Mirbeau, son chef d’œuvre théâtral au titre parfaitement explicite, créé il y a plus d’un siècle à la Comédie-Française, n’a pas pris une ride et nous renvoie à notre propre monde des… affaires en crise. Toutefois son intérêt, aujourd’hui, va bien au-delà de ce simple effet de ressemblance ou d’annonciation d’une époque en pleine déréliction. Il réside plutôt dans l’extraordinaire voyage que l’auteur du Jardin des délices (à absolument découvrir pour ceux qui ne connaîtraient pas ce roman), effectue via son personnage principal, un certain Isidore Lechat, aux frontières de la folie. En cela il outrepasse toutes les conventions, celle de la bienséance réaliste comme celle de la satire ou du pamphlet. C’est dans d’étranges eaux qu’il nous entraîne, et l’on peut comprendre dès lors le malaise qui peut saisir le spectateur à la vue de la pièce. Malaise d’autant plus palpable que le metteur en scène Marc Paquien relaie parfaitement ce propos d’Octave Mirbeau. En d’autres termes il tourne résolument le dos à un traitement boulevardier de l’œuvre de l’auteur auquel nous étions habitués jusqu’à présent – les amateurs de rire gras en seront pour leurs frais –, tout en évitant de tomber dans la caricature outrancière. En revanche, tel un entomologiste, il dissèque le « cas » Isidore Lechat (personnage qui se cogne littéralement aux murs des boîtes construites par Gérard Didier), le suivant pas à pas, le mettant, au sens propre du terme pour le coup, en scène, en clarté serait-on tenté de dire. Dirigeant à la perfection Gérard Giraudon, extraordinaire de maîtrise et de précision dans sa folie dévastatrice, et ses camarades de plateau, de Claude Mathieu à Françoise Gillard en passant par Gilles David ou Nicolas Lormeau, tous évoluant avec une grande justesse de ton et en parfaite homogénéité, ce qui, en l’occurrence n’est pas un mince complément à l’égard du metteur en scène (qui est toujours en principe, et jusqu’à nouvel ordre, directeur d’acteur), l’ordonnateur de toutes ces réjouissances.

Jean-Pierre Han