Un bref instant de bonheur

Jean-Pierre Han

22 novembre 2009

in Critiques

Premier amour de Samuel Beckett. Mise en scène et interprétation de Sami Frey. Théâtre de l'Atelier à Paris. À 19 heures.

C’est bien connu : rien n’est plus beau que l’humaine condition. En douteriez-vous qu’il vous suffirait d’aller jeter un coup d’œil sur l’œuvre de Samuel Beckett qui fut même, à l’époque, nobélisé, c’est dire ! Beckett donc a passé son temps à célébrer cette belle (mais un peu étrange quand même) condition humaine. Souvenez-vous de son chef d’œuvre au titre plus qu’emblématique, Oh les beaux jours, dans lequel enfouie jusqu’à la ceinture, puis jusqu’au cou, une femme célèbre ces fameux beaux jours… Et passons sur les autres écrits de l’auteur, d'En attendant Godot, pour ne parler que des pièces de théâtre, au… néant (Catastrophe et autres petites bricoles). Dans ces conditions on ne s’étonnera pas de constater que le très réjouissant Premier amour, première nouvelle directement écrite en français par l’auteur dès sa prime jeunesse, lie dès son ouverture la narration de cet émoi qu’est l’amour à la mort du père… Pour la suite, prière de se reporter au texte. Comme quoi Beckett avait tout compris. Ce récit, plus que jouissif, Sami Frey, sur la scène du théâtre de l’Atelier, ou plutôt sur l’avant-scène, devant le rideau de fer en tout cas, le porte de sa voix feutrée avec une tendre et presque mélancolique ironie. On connaît le talent de cet acteur hors pair dont la seule présence pourrait presque l’exonérer de toute mise en scène. Modeste, il tient quand même à en dessiner les contours et à s’y glisser. On aurait presqu’envie de lui réitérer que ce n’est pas nécessaire… C’est un réel moment de bonheur qu’il nous offre tout en rendant justice, la plus belle qui soit, au petit chef d’œuvre d’une cinquantaine de pages de Samuel Beckett. Un grand de la littérature vraiment. Mais qui en doutait ?

Jean-Pierre Han