La musicalité du geste

Jean-Pierre Han

17 juillet 2009

in Critiques

Romance dans les graves Mise en scène Pierre Blaise ; Direction musicale Jean-Pierre Arnaud

Avignon Off à l’Espace Alya du 8 au 18 juillet 2009, Avignon à 10 h 30

La marionnette exerce toujours une fascination quand elle prend vie soudainement. Cette fascination ne s’estompe pas, quand bien même les manipulateurs et tous leurs « trucs » sont à vue. Elle exige en revanche une maîtrise absolue, sans quoi elle ne se réduit plus qu’à un objet vide. Dans toutes ces caractéristiques, la marionnette pourrait être comparée à l’instrument de musique. Alain Recoing parle d’ailleurs du marionnettiste comme d’un acteur avec un instrument. La rencontre entre ces deux mondes dans Romance dans les graves mis en scène par Pierre Blaise n’est donc pas fortuite. Pour autant, elle n’avait rien d’évident. Pierre Blaise et Jean-Pierre Arnaud ont adapté ici une nouvelle de Tchekhov avec trois manipulateurs et quatre musiciens de l’ensemble Carpe Diem (clarinettiste, saxophoniste, contrebassiste et flutiste sur une musique de Borodine et Jean-Luc Ponthieux) avec une douceur et une poésie remarquable. Toute la prouesse de ce spectacle réside dans la place accordée à chacun des « instruments ». Les uns ne sont pas là pour accompagner les autres mais bien au contraire, ils s’enchevêtrent tous pour former un tout cohérent, dont on ne saurait dire s’il s’agit d’un spectacle de théâtre de marionnettes ou d’un concert illustré. Il ne s’agit bien évidemment ni de l’un ni de l’autre. Cette forme convient tout à fait à cette nouvelle de Tchekhov où un contrebassiste après une série d’événements accidentels se retrouve à transporter une princesse nue dans l’étui de sa contrebasse. L’ingéniosité de la manipulation est réellement fascinante, surtout que Pierre Blaise et les manipulateurs s’amusent avec les codes, nous montrent toutes les coulisses des marionnettes, avec un humour certain, sans jamais enlever au charme de ces belles marionnettes sur table. Les manipulateurs ne sont pas absents ou effacés mais bien là aussi dans cette histoire douce et cruelle. Les musiciens n’ont rien à envier aux manipulateurs quant à la maîtrise des instruments. L’ensemble fait sens et donne une bouffée d’air frais dans un festival où l’on a toujours peur de se noyer.

Sidonie Han