Faux départ

Jean-Pierre Han

11 juillet 2009

in Critiques

La Guerre des fils de lumière contre les fils des ténèbres, d’après Flavius Josèphe. Mise en scène Amos Gitaï. Carrière de Boulbon. Jusqu’au 13 juillet à 22 heures.

Les seules questions qui se posent concernant le spectacle d’ouverture du 63e festival d’Avignon à la carrière de Boulbon, et non pas dans la cour d’honneur du Palais des papes, est de savoir comment des directeurs aussi avisés qu’Hortense Archambaud et Vincent Baudriller ont pu se tromper à ce point sur le projet même du spectacle signé Amos Gitaï. Comment aussi un réalisateur de cinéma, même relativement néophyte en matière de spectacle vivant comme Amos Gitaï justement, a pu présenter une production aussi pauvre à tout point de vue, production que, de surcroît et malgré tout, il avait déjà présentée il y a une quinzaine d’années… Sur la première question il est vrai que tous les atouts semblaient réunis avec d’abord un texte qui résonne de manière étonnante aujourd’hui, de l’historien juif du premier siècle, Flavius Josèphe, tiré de la Guerre des Juifs écrite en langue grecque. Fait prisonnier par les romains, contre lesquels il s’était ardemment battu, Flavius Josèphe avait fini par collaborer avec eux. Il y a ensuite donc un cinéaste que l’on estime, et enfin surtout une distribution (et une équipe) dominée par la très haute figure de Jeanne Moreau. C’est d’ailleurs elle que l’on voit au premier plan assise à une table pour lire le texte de Flavius Josèphe. Cela aurait d’ailleurs été amplement suffisant tant ce qui se passe autour de cette scène dans l’immense carrière est dérisoire. Alors même que chaque élément, en soi – musique, chant, scénographie, etc. –, est intéressant, l’ensemble ne fonctionne absolument pas. Quant à la direction d’acteur, si direction il y a, elle est tout simplement aberrante, et c’est pitié de voir un comédien de talent comme Éric Elmosnino, au bord du gouffre avant de se reprendre admirablement dans la dernière partie du spectacle. Tout se passe comme si Amos Gitaï avait eu peur du vide et du silence, qui sont essentiels au théâtre. Il lui faut absolument remplir l’espace de la carrière de Boulbon, à n’importe quel prix a-t-on envie d’ajouter, surlignant tout, illustrant les propos pourtant clairs et forts de Flavius Josèphe, avec une musique de film soulignant les effets des acteurs en plein pathos. Bref, une entrée en matière ratée. Admettons que la véritable ouverture du festival aura lieu dans la cour d’Honneur du palais des papes… comme quoi il est difficile d’aller contre les rituels.

Jean-Pierre Han