"Pleurer de joie"…
Il s’en va. Portrait de Raoul (suite), de Philippe Minyana. Mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo. Les Plateaux sauvages jusqu’au 18 octobre, à 19 h 30, à 16 h 30 le samedi 18. Tél. : 01 83 75 55 70.
Le texte de la pièce est publié aux Solitaires Intempestifs, 50 pages, 10 euros.
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Il s’en va nous dit Philippe Minyana. « Il » : un adieu de diva remontant le temps et revenant bien vite nous entretenir de ce que fut sa vie, de pure « réminiscences » (c’est le titre de la première partie de ces adieux). On en est quitte pour un peu de peur de le voir totalement disparaître même en chantonnant ce qui lui fait d’ailleurs dire – c’est bien sa manière – : « Vous devez vous dire : il fait sa Sarah Bernhardt cette folle furieuse qui dormait dans son cercueil ». Et d’ajouter pour se justifier : « Quand on meurt on ne meurt pas tout de suite / La preuve… » Tout Raoul (Fernandez) est dans ces répliques via la plume subtile et délicate de Philippe Minyana à qui il s’est longuement confié. On peut donc, nous témoins de la disparition de l’impétrant, respirer et reprendre le cours des choses dans ce deuxième épisode du Portrait de Raoul, dont le premier volet, une pure merveille, a fait un tabac. Une suite, vraiment, comme il est dit. On était sous le charme avec ce Portrait de Raoul créé il y a maintenant sept ans. On le demeure bien évidemment avec cette suite, toujours dessinée avec tact et pudeur par Marcial Di Fonzo Bo, mais dans un registre un peu décalé par rapport au premier opus, lequel s’appuyait sur les épisodes de la trajectoire biographique de l’intéressé. Pas question d’y revenir bien sûr sauf à de très rares moments comme celui où Raoul raconte sa rencontre avec le metteur en scène, alors directeur du théâtre du Rond-Point, Marcel Maréchal… Mais pour l’essentiel son retour prend appui sur une autre matière apparemment plus fragile mais toujours dans le même état d’esprit chaleureux avec l’aide de la musique et de quelques chansons (musique de Nicolas Olivier, guitare de Pierre Bonhomme et arrangements d’Etienne Bonhomme) : on reste plus que jamais sous le charme…
« Un soir je suis monté à l’étage / je me suis agenouillé / Et j’ai pleuré de joie » […] « Oui. Être en vie / Attendre et espérer ». Raoul est dans ces répliques, dans cette joie qu’il nous distille et fait partager. « Pleurer de joie », c’est la très juste expression d’un comédien qui, paradoxalement n’a pas besoin de jouer, mais qui est le jeu lui-même, jeu et joie tout à la fois, retrouvant par la même occasion l’essence de l’art théâtral qui, comme chacun sait, convoque toujours les fantômes. C’est effectivement sous l’égide des fantômes que se déroule cette sorte de rêve éveillé. Nous aurons rêvé ensemble.
Photo : © Pascal Gely
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