Avignon off : "le mariage de Figaro" en "quatrième vitesse"

Jean-Pierre Han

17 juillet 2025

in Critiques

La Folle journée ou le Mariage de Figaro de Beaumarchais. Mise en scène de Léna Bréban. La Scala Provence. Jusqu’au 27 juillet (sauf le 21), à 18 h 30. Tél. 04 65 00 00 90 ; www.lascala-provence.fr

Photo2credit@Louie Salto(1)

J’ignore si Léna Bréban a pris comme devise de son travail le titre du film de Robert Aldrich, mais ce qui est certain (c’est une des multiples raisons pour lesquelles on apprécie la metteure en scène qui, ne l’oublions pas, est aussi une excellente comédienne, absente du plateau cette fois-ci), toujours est-il qu’avec sa mise en scène du Mariage de Figaro la pièce est saisie en plein cœur et en pleine vitesse. Comme si le mistral s’était mis à souffler, balayant toutes les scories qui se sont accumulées au fil du temps sur le chef-d’œuvre de Beaumarchais, le rendant à son authentique nature. Rien de plus naturel en réalité puisque le véritable titre de l’œuvre est bien La Folle Journée ou le Mariage Figaro. Léna Bréban et son équipe optent délibérément pour la folie qui, comme chacun sait, dévoile souvent les véritables ressorts de la réalité. En d’autres termes jouant à fond sur la « folie » de la pièce, c’est-à-dire sur sa rapidité d’exécution, Léna Bréban n’en dévoile que mieux tout ce qui est du ressort de sa patente critique sociale et politique, ajoutant d’ailleurs une nouvelle dimension à celle-ci du fait des dernières évolutions de nos sociétés d’aujourd’hui et des combats qui y sont menés. C’est une formidable mise à nu des ressorts de la pièce et de ses multiples discours d’une incroyable virulence telle qu’elle s’accorde avec le public de notre temps. Ainsi la Folle journée ou le Mariage de Figaro transcende-t-elle les siècles et nous parle-t-elle directement.

Complices de cette démarche (il y a dans ce spectacle un authentique esprit de troupe et d’avoir réuni une distribution a priori disparate dans ses talents et ses registres de jeu est un petit exploit) une étonnante distribution à la tête de laquelle brille bien sûr, Philippe Torreton dans le rôle-titre et qui, s’il n’a plus guère l’âge du rôle, assume avec une belle autorité le rôle de Figaro, formant avec la subtile Marie Vialle, que l’on est tout heureux de retrouver, un couple plutôt étonnant. Le vieux libidineux comte, l'homme d'un autre temps, Grégoire Ostermann, est parfait dans sa tortueuse sécheresse, quant à l’annonce de la seule présence d’acteurs comme Annie Mercier (Marceline) et Jean-Jacques Moreau (le médecin Bartholo) elle offre dès l’abord un beau gage de sûreté et de qualité.

Pour tracer la ligne de la « folle journée » Léna Bréban n’a pas hésité a apporter quelques petites retouches à la pièce de Beaumarchais, elle le fait avec doigté et nous offre un classique authentiquement de notre temps dans l'astucieuse scénographie d'Emmanuelle Roy.

Photo : © Louie Salto