Un spectacle entre ombre et lumière
De lumière de Jean-Baptiste Tur. Présenté au Printemps des comédiens (Théâtre du hangar) les 6, 7 et 8 juin à 19 heures. Une tournée est prévue durant la saison 2025-26 à Sérignan, Mont-de-Marsan, etc.
De lumière, rarement titre aura aussi bien convenu à la proposition que Jean-Baptiste Tur du Grand Cerf Bleu nous offre en compagnie de David Ayala qui œuvre sur un texte d’Azilys Tanneau. De lumière il est effectivement bel et bien question, à tous les niveaux. C’est d’abord bien sûr la lumière des costumes que revêtent les officiants – toreros, matadors, peones – du rituel de la corrida, mais c’est aussi celle des lieux et des régions du sud dans lesquelles le cérémonial peut se dérouler. C’est enfin, à élargir le propos, celle que diffuse le spectacle : De lumière en effet est un spectacle… lumineux ! Il l’est avec d’autant plus d’éclat qu’il s’accompagne ici de ses nécessaires envers, l’ombre et les ténèbres. La vie est glorifiée à travers la mort. Tout le spectacle de Jean-Baptiste Tur joue de ce paradoxe. C’est même précisément ce paradoxe qui donne d’admirable manière la tonalité sinon la clé de la représentation.
Rien de plus normal si, à tenter d’en venir à la naissance de la passion des auteurs du spectacle pour la tauromachie, Jean-Baptiste Tur passant le relais à David Ayala à travers les mots d’Azilis Tanneau on ne saurait éviter l’évocation d’un apprentissage qui est simplement celui de la vie. Retour donc sur la ville de Béziers avec sa tradition taurine où grandit Jean-Baptiste Tur dont les sentiments oscillent au moment des férias entre attirance et répulsion, avant que l’attraction finisse par prendre le pas et englober ce qui demeure de l’ordre de la peur et de la répulsion. Entre l’ombre et la lumière, entre la vie et la mort, toujours.
L’extraordinaire dans le spectacle c’est que la narration est prise en charge par David Ayala dont le parcours presqu’initiatique vers le monde taurin semble être le même que celui de son metteur en scène au point que l’on ne sait plus s’il y a interprétation et/ou assimilation du sujet. Entre Tur et Ayala il y a une totale osmose, comme une mise en abîme concernant le sujet, avec des images de leurs parcours respectifs qui finiraient par se superposer pour ne faire qu’un. On rappellera d’ailleurs que le comédien passa son enfance et son adolescence à Arles (pas très éloigné de Béziers donc, toujours dans le sud) et que son père avait œuvré dans le monde taurin… Osmose donc et développement du sujet du spectacle dans une autre mise en abîme concernant le développement de la fiction se donnant pour véridique avec le comédien David Ayala en dialogue avec ses musiciens, deux complices, Thomas Delpérié et Pierre Borel, dans ce qui pourrait être une tentative de répétition, puis essayant de produire le film qu’il est en train de réaliser sur le sujet, et en constant dialogue avec les images projetées dues à Clémence Delpérié et Mathis Sardi, alors que la création vidéo est signée Marine Cerlès. On navigue allègrement entre le réel et la fiction : il y a là quelque chose d’absolument vertigineux, sachant qu’au bout du compte c’est bien l’art de la tauromachie qui est magnifié, de manière lumineuse, je l’ai dit, mais sans agressivité aucune pour qui ne serait pas sensible à l’art de la tauromachie.
Par sa seule présence physique, au milieu de ce qui pourrait signifier le désordre de la pensée en perpétuelle recherche de son axe majeur (Cécile Marc assume la scénographie) David Ayala illumine la représentation avec une rigueur et un charisme à nuls autres pareils.
Photo : © Nathalie Sapin
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