Un spectacle d’une parfaite inutilité
Romancero Queer. Texte et mise en scène de Virginie Despentes. Théâtre national de la Colline, jusqu’au 29 juin à 20 heures, sauf le mardi à 19 heures et le dimanche à 16 heures. Tél. 01 44 62 52 52. billetterie.colline.fr
Dans la petite bible distribuée aux spectateurs avant le spectacle, Virginie Despentes explique par le menu comment s’est monté son deuxième spectacle un an après avoir présenté Woke au Théâtre du Nord dont elle est artiste associée et qui était sa première expérience de metteure en scène sur une pièce qu’elle avait écrite conjointement avec trois autres partenaires, Julien Delmaire, Anne Pauly et Paul B. Preciado. Cette fois-ci elle est seule à écrire, même s’il est question, dans une version queer, de La Maison de Bernarda Alba, la pièce de Federico Garcia Lorca qui sert donc de lointain sujet à ce Romancero Queer, autre référence revendiquée au Romancera gitano du poète.
Virginie Despentes parle par ailleurs essentiellement de la manière dont elle a constitué son équipe à qui elle rend ainsi un bel et très personnel hommage, réinvitant d’ailleurs les mêmes comédiennes de Woke à revenir travailler avec elle.
Un peu plus loin, elle nous explique les raisons qui l’ont poussées à réaliser ce projet.
Voici donc un instructif et bon moment… (de lecture). Je m’y suis attardé car cela aura été la seule occasion de se réjouir de la soirée. Pour ce qui est du spectacle en effet, c’est une autre histoire. On reste même quelque peu abasourdi devant ce qui nous est présenté. Virginie Despentes, au départ, est écrivaine. On aurait été en droit d’exiger de sa part une certaine tenue de son propos. Au lieu de cela – situation dramatique disparue –, nous avons droit à une succession de petites phrases bien senties, des punchlines comme on dit désormais en bon français, acérées et percutantes comme elle a toujours su le faire (c’est même sa marque de fabrique), mais qui n’ont pas vraiment de liens les unes avec les autres et qui ne forment certainement pas une trame quelconque, même si référence est faite à Bernarda Alba et à ses cinq filles. Tout cela a l'heur de plaire à une partie du public persuadé d’assister et de participer à un moment d’absolue transgression : un fort moment politique à coup sûr. Car Virginie Despentes entend cocher toutes les cases qu’il est désormais de bon ton de cocher pour être en phase avec l’air du temps. Certes on comprend bien sa volonté forcenée de donner la parole à celles (et ceux) qui ne l’ont jamais eue, de rendre visible ce qui reste de l’ordre de l’invisibilité ; avec ses huit interprètes elle a d’ailleurs tout le loisir de décrire autant de cas d’espèce, avec en coulisse, absent du plateau, la figure du metteur en scène, mâle tout puissant possédant le pouvoir.
La mise en scène ou ce qui en tient lieu est à l’unisson : d’un néant abyssal dans une « scénographie » (mettons vraiment le terme entre guillemets) d’un schématisme caricatural et d’une laideur incommensurable.
Cela étant on admire (et on plaint) les comédiens qui se donnent à fond pour défendre ce qu’ils pensent pouvoir (ou devoir) défendre, chacun, à tour de rôle, ayant sa petite séquence-choc de mise en valeur…
La seule question que l’on se pose est de savoir comment un théâtre national a pu programmer un tel spectacle dont curieusement le Théâtre du Nord n’est, semble-t-il, point partenaire au plan de la co-production.
Photo : © Teresa Suarez
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