Feydeau sans rire
L’Hôtel du Libre-Échange de Georges Feydeau. Mise en scène de Stanislas Nordey. Odéon-Théâtre de l’Europe, jusqu’au 13 juin à 20 heures. Tél. 01 44 85 40 40. location@theatre-odeon.fr
Mais qu’est-il donc arrivé à Stanislas Nordey ? Ce n’est pourtant pas la première fois qu’il s’affronte à un texte de Feydeau (et de brillante manière avec La puce à l’oreille)… mais cette fois-ci le résultat frôle la catastrophe. On n’y est pas et Feydeau est bien ailleurs, on ne sait où. La curiosité de la soirée, à bien y prendre, réside dans la vision que l’on a d’un texte – absolument génial dans son développement – dans une mise en scène qui évolue à côté et s’échine à aller ailleurs, sans que jamais les deux démarches ne concordent. Nordey ne joue pas la pièce, il joue à côté. Autant dire que le sentiment d’étrangeté que l’on ressent à la vision du spectacle est franchement étonnant au départ, pénible par la suite. À la précision méticuleuse de l’écriture de Feydeau (qui mettait lui-même en scène ses propres pièces), à l’organisation tout aussi méticuleuse de l’agencement de ses intrigues avec leurs rebondissements, Nordey oppose sa propre méticulosité, mais ailleurs, autrement. Dans une scénographie comme toujours signée par Emmanuel Clolus, il est d’une belle laideur – on comprend bien qu’il s’agit de se décaler de l’intérieur bourgeois de la tradition pour le transporter vers un univers de mots ce qui était une idée intéressante, puis par le remplacer par une sorte de mur de prison –, et cela ne fonctionne pas vraiment ; quant au décor du deuxième acte qui se passe dans le fameux hôtel, il n’est franchement pas très ingénieux dans son agencement certes compliqué sur le papier. Le reste est à l’avenant. Dans cet environnement, les comédiens que l’on connaît pour plupart pour leurs qualités, d’Hélène Alexandridis à Anaïs Müller, à qui le metteur en scène a demandé de hurler ses répliques, ils sont ici on ne sait trop dans quel registre de jeu : ils évoluent tant bien que mal. Quelle idée aussi de les faire parler (Cyril Bothorel qui a l’air particulièrement mal à l’aise, Claude Duparfait…) en détachant les syllabes, en articulant à l’excès, comme s’ils récitaient des alexandrins, mais Feydeau n’est pas Racine ; on se consolera en faisant le constat qu’au moins en entend le texte (ce qui, sur nos scènes, n’est pas monnaie courante il est vrai).
Reste le parrainage de l’autruche, sous l’égide duquel se passe une bonne partie du spectacle, notamment dans le deuxième acte qui se passe dans l’hôtel borgne. Mais déguiser les personnages en ce fameux volatile n’apporte pas grand-chose à l’ensemble et finit par s’avérer plutôt gratuit. Une touche pour tenter d’œuvrer dans le délire, voire la folie ? Pourquoi pas, à condition d’aller jusqu’au bout, beaucoup plus loin. En l’état l’idée est courte et la réalisation encore plus.
Photo : © Jean-Louis Fernandez
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