Le bruit et la fureur version Munstrum Théâtre

Jean-Pierre Han

2 mai 2025

in Critiques

Makbeth d’après Shakespeare. Par le Munstrum Théâtre. Mise en scène Louis Arène.

Théâtre Public de Montreuil, CDN. Jusqu’au 15 mai à 20 heures. Samedi à 18 heures. Puis 22 et 23 Mai à la Filature de Mulhouse. Du 10 au 13 Juin au Théâtre du Nord, CDN de Lille. Tél. : 01 48 70 48 90.

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Le Munstrum Théâtre avec ce Makbeth d’après Shakespeare (à une lettre près) ne déroge pas à sa ligne de conduite annoncée dans l’intitulé de son nom : la monstruosité. C’est même presque trop beau, Macbeth étant l’une des pièces les plus noires de l’auteur ; cela dit, le duo qui dirige la compagnie aurait pu, à l’instar d’Artaud, penser à d’autres auteurs élizabéthains encore plus noirs et plus sanglants que le grand Will, mais ceci est un autre problème… Pour l’heure Louis Arène signe la mise en scène, et est présent pour l’occasion sur bien d’autres postes, à la traduction-adaptation avec Lucas Samain, à la scénographie avec Mathilde Coudière Kayadjanian, Adèle Hamelin et Valentin Paul, au travail sur les masques, et bien sûr sur scène tout comme son complice Lionel Lingelser, avec qui il a conçu cette proche-lointaine adaptation de la pièce de Shakespeare. On l’aura sans doute compris, Macbeth est ici un prétexte à partir duquel le Munstrum Théâtre développe sa propre pensée, à travers sa propre esthétique. Rien de plus légitime, la seule question étant de savoir si, au bout du compte, l’enjeu de la représentation répond bien à son intention répétée à l’envi : « Nous montons Makbeth car la douleur de ce monde est insupportable » martèle Louis Arène qui poursuit comme en leitmotiv, « Nous montons Makbeth car l’enfer de ce monde est inacceptable »… mais les choses se compliquent au moment du retournement de situation amenant à la conclusion du raisonnement du même Louis Arène lorsqu’après avoir affronté « les monstres en face » il pense – et ses nombreux camarades du Munstrum Théâtre avec lui, opérer ce qui devrait être une sorte de retournement en forme de grand paradoxe : « C’est pour nous que Makbeth plonge dans l’horreur du crime et qu’il se déshumanise. Il se sacrifie pour que nous, en contemplant sa chute avec effroi, nous devenions humains. »

Or c’est à ce niveau que la bât blesse. Car on aura essentiellement assisté à une très brillante présentation encore que très insistante au-delà de toute mesure des forfaits du personnage principal et de ses comparses saisis dans les rets de temps sauvages et toujours guerriers. Entre les narrations (elles sont plurielles car faisant appel à des registres de jeu très divers, marionnettiques, clownesques, dansés, masqués, grotesques, ubuesques jusqu’à la bouffonnerie, etc.) et leurs traitements : interminables scènes de guerre qui ouvrent le spectacle dans un environnement à peine discernable car plongé, comme bon nombre d’autres scènes, dans des effets de fumée (il y a même dans la distribution un responsable des « effets de fumée », Laurent Boulanger !). La fonction cathartique de l’ensemble a ensuite du mal à se frayer un chemin et n’arrive pas à surmonter ce trop-plein pour finir dans une certaine confusion : on en est dès lors réduit à saisir des morceaux de tel ou tel passage du spectacle, tout comme on saisit au passage quelques morceaux du texte de Shakespeare avant d’être emporté dans ce tourbillon de noire violence.

Photo : © Jean-Louis Fernandez