Pitoyable humanité chérie
Que d’espoir ! Cabaret théâtral de Hanokh Levin. Mise en scène de Valérie Lesort. Théâtre de l’Atelier à 21 heures, dimanche à 16 heures. Jusqu’au 13 juillet. Tél. : 01 46 49 24. billetterie@theatre-atelier.com
Le titre même du spectacle, Que d’espoir !, est déjà, en soi, en ces temps sinistres que nous vivons, une véritable et très ironique provocation. Au vu du spectacle signé Valérie Lesort dont on connaît bien l’univers (souvent élaboré avec son complice et partenaire Christian Heck, absent cette fois-ci) il acquiert une étonnante dimension. D’autant qu’il s’appuie sur des textes du très prolifique dramaturge israélien Hanokh Levin, disparu à la toute fin du siècle dernier, en 1999. En France l’œuvre du dramaturge israélien a été connue assez tardivement, en 1994 grâce à Jacques Nichet qui avait mis en scène Marchands de caoutchouc donné dans le secteur privé et qui avait, malgré sa belle qualité, été plutôt mal accueilli. Depuis, l’importance du dramaturge a été reconnue, peut-être pas encore à sa très juste valeur. Une quinzaine de ses œuvres a pourtant été éditée chez Théâtrales, traduites par Laurence Sendrowicz, et pas moins de trois d’entre elles concernent des textes de cabaret : Valérie Lesort n’aura eu que l’embarras du choix pour composer son spectacle. Elle aurait même pu aller piocher, si elle en avait eu la tentation, des extraits dans les autres pièces de l’auteur, le ton acerbe, grinçant de l’auteur y étant également bien présent.
En tout cas, la metteure en scène aura eu largement la matière mêlant courtes séquences – des sketches – et chansons pour faire son miel et développer, ou plutôt envelopper le tout, avec une belle autorité, sa propre ligne esthétique poussée ici à son extrême limite. Un véritable travail d’équilibriste, une certaine tendresse venant se lover derrière les traits « hénaurmes » des personnages saisis dans des situations de vie quotidienne où le dérisoire vient se mêler au non sens.
À quatre, Valérie Lesort en personne avec Cécile Milliat-Baumgartner, Hugo Bardin (drag-queen connu sous le nom de Paloma, que l’on retrouve dans ce spectacle un peu partout en tant que collaborateur artistique, mais aussi au travail sur les perruques et les maquillages importants dans ce type de travail), David Migeot que l’on a vu encore récemment dans la Phèdre d’Anne-Laure Liégeois, et Charly Voodoo, un « pensionnaire » du cabaret de Madame Arthur à Paris qui s’est chargé des chansons qu’il interprète avec une vraie maestria sur scène. Un petite précision qui donne le la (le ton) de la représentation gérée de main de maître par Valérie Lesort. Personnages de plastique à l’effigie de Barbie et de Ken, sourires et attitudes figés, au bord de la monstruosité, engoncés dans des accoutrements en silicone, caricatures à peine vivantes mais bien agitées, ils mènent une sarabande dérisoire en quête d’on ne sait quelle semblant de petit bonheur. À quatre sur la scène on croirait facilement en voir le double dans un tourbillon sans fin. Le mélange des genres (clownerie, marionnette, BD, etc.), hormis le traditionnel compassé avec sérieux de plomb, permet au rire de se déployer dans une totale liberté parfaitement maîtrisée. On pourra toutefois regretter que le texte d’Hanokh Levin ne soit pas toujours assez mis en valeur derrière les prouesses de la mise en scène.
Photo : © Fabrice Robin
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