Une superbe partition
Kolizion de Nasser Djemaï. Mise en scène de l’auteur. Théâtre des Quartiers d’Ivry. CDN du Val de Marne. Jusqu’au 20 décembre à 20 heures (samedi à 18 h., dimanche à 16 h.). Tél. 01 43 90 11. www.theatre-quartiers-ivry.com
Texte de la pièce paru chez Actes Sud-Papiers, 90 pages, 13 euros.
Poème, épopée, conte, fable… Kolizion, le bien nommé (on verra pourquoi) de Nasser Djemaï est une petite merveille dans laquelle l’auteur-metteur en scène (et comédien) donne le meilleur de lui-même reprenant les thématiques qui lui sont chères, et ce depuis ses premiers écrits comme Une étoile pour Noël qui le fit connaître avant qu’il n’entame un parcours où intelligence, délicatesse, pudeur pour dire les choses les plus graves ont toujours fait bon ménage. Tout cela est ramassé dans Kolizion, nom d’un petit dernier, pas vraiment désiré, mais tombé du ciel, d’une fratrie de six garçons qui deviendront les anges gardiens de leur petit frère, Kolizion donc, parce que l’intéressé ne cesse dès son plus jeune âge de se heurter aux accidents, les choses, de la vie, et qu’il y a alors véritablement collision au sens propre du terme…, mais qu’importe, rien n’arrêtera son « glorieux » parcours entre rêve et réalité. Un vrai roman d’apprentissage ! C’est bien de collision en collision que le jeune Mehdi – « le guide éclairé par Dieu, comme l’a décidé sa mère Hayat (« Vie » en arabe) – va tracer sa trajectoire dont nous rend compte avec une délicatesse non dénuée d’un certain humour Nasser Djemaï.
C’est cette trajectoire qu’au cœur du beau dispositif scénique d’Emmanuel Clolus le comédien Radouan Leflahi va nous faire vivre avec toutes les nuances, car c’est bien Kolizion qui prend les choses en main et narre en dix-huit tableaux son « ascension » vers cette « rue ouverte vers des horizons où les chants d’oiseaux effleureraient la lumière des collines sacrées, pour qu’au-delà des branches du récit, la liberté puisse s’écrire comme le chemin retrouvé de l’enfant », comme il est dit en conclusion du spectacle. La performance du comédien est de tout premier ordre qui parvient à maintenir l’équilibre entre les aléas du récit et la sorte d’émerveillement du personnage, le tout dans une constante maîtrise de la langue et de son phrasé ? C’est un beau et très intense moment, maîtrisé de bout en bout et raconté au présent de l'indicatif.
Photo : © Christophe Raynaud de Lage