Populaire, vous avez dit populaire ?
Histoire d’un Cid, variation autour du Cid de Pierre Corneille, adaptation collective du texte. Mise en scène Jean Bellorini. TNP-Villeurbanne. Jusqu’au 20 décembre 2024 à 20 heures (samedi à 18 h 30, dimanche à 16 h.). Puis tournée à partir de février 2025. Tél. : 04 78 03 30 00. billetterie@tnp-villeurbanne.com
À vouloir travailler sur le Cid, Jean Bellorini ne se voyait guère être en capacité, et même en légitimité, d’œuvrer sur la pièce de Corneille après deux de ses prestigieux, voire désormais légendaires, prédécesseurs à la tête du TNP, Jean Vilar et Roger Planchon dont les mises en scène du chef-d’œuvre de l’auteur hantent nos mémoires même si peu de personnes peuvent encore se vanter de les avoir vues. Bellorini voulant néanmoins évoquer ce fameux Cid, et surtout s’adresser à un public de jeunes, a donc choisi une voie intermédiaire consistant à présenter une version « mixte » de la pièce, autrement dit une « variation autour du Cid », une Histoire du Cid (personnelle, même si largement alimentée par l’ensemble de la troupe), comme le stipule le titre de son spectacle. Pourquoi pas, même si lui et sa troupe essayent de jouer sur tous les tableaux, leur version étant entrecoupée de large extraits du texte original… On est là dans un entre deux qui ne satisfera ni les tenants d’une stricte fidélité au texte, ni ceux qui, au contraire, auraient préféré s’en aller sur des chemins totalement libres de toute attache.
Qu’en est-il alors du Cid, version Bellorini and C° ? Dans un bienheureux, ou souhaité tel, entre-deux, qui risquerait de fâcher tout le monde si, au bout du compte, l’entreprise d’adaptation libre satisfera le plus grand nombre, grâce à ses clins d’yeux, en jouant délibérément la carte jeune. Réduit à quatre personnages, le Cid, Chimène, l’infante et un acteur italien au double rôle et qui avait joué dans Il Tartuffo de Molière mis en scène par Jean Bellorini en Italie… (on ne voit pas d’autre justification à sa présence néanmoins excellente). Le tout, comme toujours chez Bellorini, avec des musiciens installés dans un coin du plateau. Les voilà donc jetés sur la vaste scène à nous donner leur version du Cid, et cela a parfois des airs d’une BD, à Philémon par exemple à qui la silhouette longiligne de François Deblock (le Cid) fait irrésistiblement penser, avec un décor mouvant, se gonflant et se dégonflant et qui représenterait l’île dudit Philémon !… Tout est l’aune de ce château mouvant en plastique, symbole si l’on en croit Sidonie Fauquenoi qui a préfacé le livret de la pièce, de la langue « qui n’est pas un bloc de marbre, mais une matière plastique, malléable à l’envi » !…
Question bloc, le quatuor de comédiens (Cindy Almeida de Brito, François Deblock, Karyll Elgrichi dans le rôle mis en valeur de l’infante, et Federico Vanni – en alternance avec Luca Iervolino) assume au mieux sa partition (pas toujours en ce qui concerne les vers originaux de Corneille…). Le succès (comme à Grignan où le spectacle fut créé cet été, est assuré.
Photo : © Christophe Raynaud de Lage