Interrogations
Marius de Marcel Pagnol. Adaptation et mise en scène de Joël Pommerat. Festival d’automne. MC 93-Bobigny, Maison de la culture de Seine-Saint-Denis. Du 29 novembre au 8 décembre à 20 heures. Puis tournée en décembre et en 2025. Tél. : 01 41 60 72 72. ww.mc93.com
Le moins que l’on puisse dire est que cette adaptation (est-ce bien le terme ?) du Marius de Marcel Pagnol par Joël Pommerat pose problème ou en tout cas suscite une certain nombre de questions. On aura été tout d’abord étonné de voir l’auteur-metteur en scène s’en aller chercher l’œuvre de son aîné vieille de quasiment un siècle… mais la raison est simple : le travail est issu d’un atelier théâtral puis de présentations à la Maison centrale d’Arles. Dès lors, une fois l’atelier achevé, et ayant, je suppose, donné toute satisfaction, pourquoi ne pas en poursuivre l’exploitation, de manière « professionnelle » cette fois-ci, même si on retrouve dans le nouveau projet des participants de l’atelier ?
C’était à partir du travail d’improvisations sur des scènes de Shakespeare et de Pagnol (étrange alliage), que finalement Marius avait été choisi, et à partir de ce nouveau corpus Joël Pommerat a écrit pour le groupe constitué, dit-il, en ajoutant cette étrange pensée, presqu’une lapalissade : « notre projet s’est défini de la manière suivante : prendre toute liberté avec l’œuvre originale tout en lui restant fidèle. Adapter, réécrire mais ne pas trahir » !… Ce qui est fort louable, mais ne répond pas à la question de savoir les raisons de ce choix de Pagnol. Car enfin cet alliage Pagnol-Pommerat, pour qui connaît l’œuvre de ce dernier, ne manque pas de surprendre. Passons. Autre surprise : voir Caroline Guiela Nguyen venue en renfort dans cette entreprise, sachant que là aussi on a du mal à comprendre la relation artistique entre elle et Pommerat, sans parler de Pagnol… Passons une nouvelle fois.
Le résultat au plateau, il faut bien l’avouer, n’est guère probant, même si on peut évoquer l’excuse d’un représentation* en plein air peu propice à ce type de spectacle au décor ultra-réaliste (une boulangerie-café, aux étagères bien achalandées aves ses pains, petits et grands, ses sandwiches, sa machine à café en panne, sa vaisselle, et les tables bien alignées dans la salle, etc., le tout signé, comme toujours avec Joël Pommerat, Éric Soyer.
Pour ce qui est de l’adaptation, de l’écriture de Joël Pommerat, on reste pour le moins sceptique ; quant à l’enjeu de la représentation, j’avoue la chercher même si on nous explique savamment qu’enfin il est question des problèmes de la jeunesse d’aujourd’hui avec l’appel d’air vers un ailleurs, thématique de l’évasion bien soulignée (rien là de nouveau, et tout était déjà dans la pièce de Pagnol me semble-t-il), et qu’enfin c’est une histoire, celle de la rupture – de fait – entre Fanny et Marius, à fendre le cœur, sans jeu de mots, rapport à la partie de cartes avec la fameuse réplique « tu me fends le cœur », remplacée ici – quelle adaptation ! – par « les moustiques ça pique ! » : émotion portée à son comble… Sans doute, mais ce n’est franchement pas là que réside l’originalité, si originalité il y a, du projet Pommerat…
L’interprétation va cahin-caha, avec les comédiens qui font ce qu’on leur a demandé de faire, avé l’accent bien sûr. Ça ne va franchement pas plus loin.
* Spectacle vu le soir de la première au Printemps des comédiens, le 13 juin. Il va de soi que tout alla pour le mieux par la suite, paraît-il…
Photo : © Agathe Pommerat