Un "Suicidé" décevant
Le Suicidé de Nicolaï Erdman. Mise en scène de Stéphane Varupenne. Comédie-Française, jusqu’au 2 févier 2025, à 20 h 30. Tél. : 01 44 58 15 15. comedie-francaise.fr
Presque centenaire – la pièce a été écrite en 1928 – Le Suicidé de Nicolaï Erdman semble se porter comme un charme, avec la vigueur d’un jeune homme. Une vigueur d’autant plus forte que le parti pris du metteur en scène Stéphane Varupenne à la Comédie-Française opte délibérément sur son côté vaudevillesque au détriment de sa dimension politique contrairement à ce qu’avait proposé il y un peu plus d’un an et demi le directeur du TNP, Jean Bellorini, lequel avait même ajouté un sous-titre parlant à son spectacle : « vaudeville soviétique »… cette simple qualification ouvrant la porte au côté plus que grinçant et critique de la pièce de l’auteur. Staline et les autorité soviétiques de l’époque ne s’y étaient pas trompés : le Suicidé même plébiscité par Stanislavski et Meyerhold fut interdit, et son auteur arrêta là son parcours de dramaturge.…
Est-ce un signe de notre (bien triste) temps si Erdman revient en force du côté de nos scènes ? Il y a six mois à peine Patrick Pineau nous offrait un réjouissant Mandat, et voilà toute l’œuvre théâtrale de Nikolaï Erdman ressuscitée !
Stéphane Varupenne dont c’est la première mise en scène en solo (il a auparavant œuvré en duo avec Sébastien Pouderoux sur des spectacles musicaux notamment) a donc opté pour le côté « labichien » des choses. La nouvelle traduction – qui est toujours peu ou prou une sorte d’adaptation dans ces cas de figure – signée Clément Camar-Mercier, va dans ce sens. On pourra toujours trouver à y redire… elle aussi est aux antipodes de ce qu’avait réalisé jadis André Markowicz pour le TNP. Ce registre vaudevillesque, en tout cas, les excellents comédiens du Français y sont rompus, et on notera que pour présenter ce type d’ouvrage il faut effectivement mettre en exergue le travail de troupe (c’était aussi le cas pour le TNP). On s’en réjouit dans le somptueux et tortueux à loisir décor du directeur de la maison, Éric Ruf au cœur duquel on assiste à l’emballement sans fin du vrai-faux suicidé de la société soviétique de l’époque stalinienne – rien n’interdisant de faire des extrapolations avec l’époque poutinienne… Feu d’artifice vaudevillesque ? Sans doute, mais ce feu, comme tous les feux, finit par s’éteindre, dans la dernière partie du spectacle notamment. La machine semble alors tourner à vide même si l’incendie continue à être entretenu notamment par la femme du suicidé – toujours excellente Adeline d’Hermy – « détonatrice » de l’enchaînement et de l’emballement des événements concernant le vrai-faux suicidé, Sémione, un chômeur. Suicidé d’office… La faute de cet épuisement et du « brouillage » des évolutions des comédiens vient sans doute d’une direction plutôt lâche de la part du metteur en scène : on en peut que le déplorer. Reste que Stéphane Varupenne a visé haut : on lui en saura gré.
Photo : © Vincent Pontet
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