Clowneries terrestres et spatiales

Jean-Pierre Han

16 septembre 2024

in Critiques

Fusées par Jeanne Candel et la Vie Brève. Créé le 13 septembre 2024 au Théâtre de l’Aquarium avant de partir en tournée du 24 au 28 sept. au TJP de Strasbourg / Festival Musica, du 6 au 9 nov. au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers, du 18 au 21 déc. au Théâtre Garonne à Toulouse, les 9 et 10 janv. au théâtre Malraux de Chambéry, les 30 et 31 janv. au Théâtre du Bois de l'Aune d’ Aix-en-Provence, du 5 au 7 fév. à Bonlieu, Annecy, du 12 au 15 fév. au T2G, Gennevilliers.

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C’est un véritable feu d’artifice théâtral que Jeanne Candel et ses complices de la Vie brève nous ont offert chez eux pendant trois jours avant de s’en aller allumer l’incendie dans d’autres lieux. Chez eux, dans la grande salle, plateau savamment dénudé dans son immensité qu’ils habitent et hantent faisant vibrer l’infiniment petit – voir leur prologue dont ils ont la charité de nous donner la définition et leur minuscule castelet déglingué de partout et qu’ils n’arrivent pas à véritablement établir sur de bonnes bases ; ce bric-à-brac « pompeusement » appelé petit théâtre est signé Sarah Jacquemot-Fiumani – avec la vastitude des espaces stellaires où deux astronautes ont été envoyés en mission. Alors qu’en toute improbabilité la musique avec piano traîné avec moult efforts au centre même de ce qui tient lieu de scène a fait son apparition avant d’aller se balader ici et là au gré des évolutions des protagonistes.

Au fouillis des éléments du castelet répond le vide des espaces infinis où deux astronautes en apesanteur donc, tournant sur eux-mêmes si on peut se permettre cette image se posent la question de savoir comment ils vont pouvoir retourner sur terre puisqu’il y a eu un « petit » problème technique qui les en empêche… Boris et Kyril (Vladislav Galard, en alternance avec Marc Plas, et Jan Peters) un duo de clowns de l’espace – ah, les duos de clowns ! – irrésistibles dans leur évolution en apesanteur qu’ils miment très simplement au ralenti donc, et avec leurs caractères propres, complémentaires voire antagoniques comme toujours dans ce genre de situation, vont occuper la plus grande partie du spectacle et véritablement faire un tabac, non sans avoir avec leurs camarades de plateau rendu hommage à la chienne Laïka, premier animal, avant les humains, à avoir été propulsé dans l’espace à bord d’un Spoutnik un jour de 1957. Pourtant derrière la bienfaisante loufoquerie se dessine, comme toujours chez Jeanne Candel, un authentique propos. À son habitude la responsable de la Vie brève, aime à jouer des déséquilibres (car tout semble aller de travers dans ce spectacle). Rien ne tient debout, au sens propre comme au figuré, et pourtant – c’est encore plus patent dans le travail musical assumé ici par Claudine Simon, alors que des compositeurs Jean-Sébastien Bach ou Heinrich Schütz par exemple sont appelés à la rescousse, viennent se superposer à l’ensemble musical et sonore, donnant une autre dimension à l’ensemble de la partition. Sarah Le Picard, la quatrième comparse, en alternance avec Margot Alexandre, et en « go-between » entre tous les protagonistes et qui nous fait redescendre sur terre, complète cet improbable quatuor.

Les fusées de Jeanne Candel et de la Vie brève sont à plusieurs étages et se propulsent les unes les autres : on s’en réjouit.


Photo : © Jean-Louis Fernandez