Une impitoyable ronde

Jean-Pierre Han

15 septembre 2024

in Critiques

Illusions perdues d’après Balzac. Mise en scène de Pauline Bayle. Théâtre de l’Atelier jusqu’au 6 octobre à 20 heures (samedi 18 h, dimanche 16 h). Tél. : 01 46 06 49 24. theatre-atelier.com

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Ces Illusions perdues de Balzac revues, certes pas corrigées mais adaptées, réinvesties par Pauline Bayle, et essentiellement axées sur la deuxième partie du roman de l’auteur ont été créées en 2020. Depuis, le spectacle a pas mal voyagé, obtenu entre-temps le Grand prix du syndicat de la critique, ce qui est une sacrée référence étant donnée la concurrence des grands noms (et des grands spectacles) de la profession, et les voici donc au Théâtre de l’Atelier dont l’annonce de la programmation de la première partie de la saison interpelle pour sa qualité et son ambition. De ce point de vue débuter la saison avec ce spectacle de Pauline Bayle avec une toute nouvelle distribution, mais très exactement dans le même esprit, est emblématique. Les six comédiens, Manon Chircen, Zoé Fauconnet, Anissa Feriel, Frédéric Lapinsonnière, Adrien Rouyard et Najda Bourgeois, reprennent donc à leur compte le travail scénique de leurs prédécesseurs, avec la même belle énergie, avec la fougue de la jeunesse à la conquête du monde ; tout les y oblige, la mise en scène de l’auteure, le dispositif scénographique particulier (plateau nu, rangées de public sur scène donnant à l’ensemble une configuration particulière tri-frontale (et non plus quadri-frontale comme prévu à l’origine et dans les autres présentations dans des lieux théâtraux divers) qui pourrait faire penser avec un peu d’imagination à un ring. Mais peu importe puisque le souffle de l’esprit qui anime l’adaptation et la représentation voulue par Pauline Bayle y est bel et bien en parfait accord avec de la Comédie humaine. Le bal des illusions (qui s’évanouiront peut-être) peut bien commencer. C’est une danse sinon infernale du moins impitoyable que règle avec doigté et fermeté Pauline Bayle, que les comédiens assument interprétant plusieurs rôles, passant sans coup férir de l’un à l’autre – hormis en ce qui concerne Lucien de Rubempré incarné par la seule Anissa Feriel) – ajoute au tourbillon qui semble emporter ce petit monde que Balzac développe dans une grande et féroce saga et que Pauline Bayle resserre avec une belle justesse dans une sorte de précipité. Aussi bien au plan de son adaptation qui ressortit d’une authentique pari – même si on connaissait sa capacité à se saisir d’œuvres non théâtrales comme L’Illiade ou l’Odyssée et dernièrement d’écrits de la romancière Virginia Woolf, certes moins bien réussie – qu’au plan de son travail scénique et de direction d’acteurs qu’elle maîtrise parfaitement sachant qu’elle est elle-même une comédienne de belle envergure comme son interprétation en solo de Clouée au sol de George Brant il y a quelques années pourrait nous le rappeler…

Photo : © Simon Gosselin