AVIGNON IN : La revanche du théâtre de rue

Jean-Pierre Han

16 juillet 2024

in Critiques

Qui som ? Par le Baro d’evel. Présenté du 3 au 14 juillet dans la cour du lycée Saint-Joseph.

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Une formidable bouffée d’air au Festival qui en avait bien besoin. Non pas que la compagnie franco-catalane Baro d’evel déroge aux thématiques générales en prise avec la dure réalité à laquelle nous sommes confrontés, et qui imprègne tous les spectacles, mais eux le font de bonne grâce, et comme ils l’ont toujours fait, à leur manière totalement déjantée mais néanmoins maîtrisée, ce qui peut sembler paradoxal. Pour y parvenir ils récitent toute la gamme des disciplines dans lesquelles ils œuvrent, le cirque – Camille Decourty la co-directrice de la compagnie avec Blaï Mateu Trias, s’est formée entre autres au CNAC (Centre national des arts du cirque) –, le théâtre de rue, le théâtre tout court, bref tout ce qui est de l’ordre d’un art vivant. Il le font avec une réelle maestria, et comme ils ont presqu’un quart de siècle d’existence ils ont largement eu le temps d’aller voir ce qui se passe à côté d’eux, ailleurs. On ne s’étonnera donc pas de voir tous les emprunts, ou les citations, qu’ils font d’autres propositions. On pourrait citer un à un les éléments déjà vus ailleurs, chez un peu tout le monde, notamment dans bon nombre de spectacles de théâtre de rue, fixes ou déambulatoires, du côté de chez les clowns, chez les catalans de la Fura del Baus ou chez des chorégraphes comme Maguy Marin… La séance du groupe en train de perdre son équilibre sur le sol devenu glissant alors que Camille Decourty chante le « Cum Dederit » de Vivaldi, on l’avait vue et entendue (sur une autre musique classique) chez le Belle Meunière de Pierre Meunier et Marguerite Bordat, à cette différence près que Bari d’evel ne s’arrête pas là une fois tout le monde à terre et poursuit autrement, jusqu’à épuisement, la métaphore de notre société en train de se casser la figure.

Tout dans leur spectacle est à l’avenant. Et l’on se dit que ce pour quoi les compagnies de théâtre de rue d’antan qui sont en train d’évoquer, étant donné leur grand âge, sur leurs décennies de combat pour être enfin reconnues, comme Generik Vapeur (leur livre est beau et parlant) trouve désormais droit de cité au sein d’un grand festival ; c’est là une belle revanche, assez ironique finalement.

« Qui som ? » demande le titre du spectacle. Oui, effectivement qui sommes-nous au bout du compte ? Et qui sont-ils ces saltimbanques de Baro d’evel qui une fois leur prestation « achevée » sur le plateau de la cour du lycée Saint-Joseph, nous embarque ailleurs fanfare en tête ?…

Photo : © Christophe Raynaud de Lage