AVIGNON OFF : GRANDIR
La table du fond ; Silence (La trilogie de Franck) de François Cervantès. Mise en scène de l’auteur. Espace Mistral à 10 h 30. Tél. : 04 84 51 20 10.

Un authentique chef-d’œuvre de sensibilité, de grâce et d’intelligence. « La table du fond » c’est celle assignée à François Cervantès qui a suivi une année durant une classe de 4e dans un collège, et de ce poste d’observation a pu prendre le pouls de la classe, sentir, saisir, capter les ondes émanant du groupe plus peut-être que d’en noter les événements ponctuels ; quelque chose de quasiment impalpable. Durant tout ce temps il a écrit. Ce sont ces écrits que, dix ans plus tard, en 2006, il reprend pour en faire une adaptation théâtrale. Nous voici alors que presqu’une vingtaine d’années se sont encore écoulées, de nouveau dans des salles de classes, celles du lycée Mistral à Avignon en l’occurrence. Et c’est, je le répète à l’envi, bouleversant de délicatesse avec simplement deux comédiens, l’un, Stephan Pastor, jouant les Frégoli et assumant une série de rôles, ceux de l’instance scolaire, proviseur, gardien, professeurs…, l’autre, Anne Bouguereau, la mère d’un élève, venue simplement on ne sait plus trop – et elle non plus au fil des événements ou plutôt des non événements – se « rapprocher » de son fils qui, depuis trois jours n’est plus rentré à la maison et n’a plus donné signe de vie. Installée dans une salle de classe qu’elle ne voudra plus quitter de la nuit la mère, se retrouvant dans une sorte de no man’s land, dans un nouvel espace-temps qui lui fait perdre tout repère, ne sachant à la limite plus quel lien elle entretient – ou n’a pas entretenu – avec l’adolescent, car celui-ci, apprend-elle est un élève calme, studieux, ne posant aucun problème, bien au contraire, et que tout le monde apprécie. Voilà pour le premier épisode, car le spectacle en comporte trois, seuls les deux premiers sont ici proposés, ce que l’on ne manquera pas de regretter.
Le premier épisode focalisé sur la mère est bouleversant ; Anne Bouguereau se retrouvant petit à petit dans une sorte d’état second provoqué par ce qu’elle perçoit, ou plutôt ressent, dans ce lieu, celui que fréquente son enfant, et c’est un gouffre qui s’ouvre devant elle ; croisant son fils au loin dans un couloir elle ne s’en approchera même pas. Ce que réalise la comédienne dans la retenue, dans le bouleversement de son être intime, est simplement admirable de finesse ; face à elle Stephan Pastor joue à la perfection dans le même registre. Ce sont bien à chaque fois des duos qui, prenant appui sur la réalité des faits ouvrent, sans que l’on s’y attende, sur de vertigineuses attitudes et pensées.
Toutes choses que l’on retrouve dans le deuxième volet de la trilogie (Le Silence) qui met en scène les troublantes retrouvailles entre la mère et le fils dans un bar qui n’a de réel que celui de l’imaginaire. En fait ce sont les parcours intérieurs, celui de l’adolescent et celui de la mère, qui sont mis au jour. Un travail de transformation aura ainsi été réalisé qui, permettra peut-être à l’une et à l’autre d’être dans l’authentique véracité de leur relation.
Photo : DR
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