AVIGNON IN : un spectacle manifeste

Jean-Pierre Han

13 juillet 2024

in Critiques

Mothers. A song for Wartime de Marta Gornicka. Présenté du 9 au 11 juillet dans la cour d’honneur du palais des Papes.

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Si les responsables du Festival avaient voulu faire preuve d’audace, c’est sans doute le spectacle de Marta Gornicka, Mothers, A song of Wartime qu’ils auraient programmé en ouverture du Festival dans la cour d’honneur du palais des Papes en lieu et place du faible Dämon d’Angelica Liddell. Et plutôt qu’un morne et lugubre Funeral de Bergman, nous aurions eu de très combatifs chants d’espoir et de vie de la part de vingt et une femmes (et une enfant) : une tout autre dynamique en ouverture aussi vers une autre forme de théâtre chanté et chorégraphié. Une ouverture dans tous les sens du terme, même brève (trois représentations qui auraient ainsi été données comme une sorte de manifeste) et peu importe que Marta Gornicka, née en Pologne, ne réponde pas aux critères de langue que le festival s’impose désormais chaque année, l’espagnole pour la présente édition, elle fait, d’une certaine manière, voler en éclats tous ces règles en donnant son spectacle en polonais, en ukrainien et en biélorusse nous faisant enfin plonger dans le présent de la lutte pour notre survie.

Le titre déjà est on ne peut plus parlant : Mothers, A song of Wartime. Une chanson de temps de guerre, car nous y sommes bien déjà. Et c’est cela que le festival nous aurait offert.

Dispositif bien en place : Marta Gornicka est au centre de la salle et dirige le chœur des femmes de tous âges, de 9 à 72 ans. Car oui il s’agit bien d’un chœur, à la semblance enrichie d’un chœur antique, celui des tragédies grecques. C’est au départ en formation militaire de combat, en triangle, que toutes ces femmes, ces survivantes de guerre, vont chanter, scander tout un répertoire puisé dans le folklore et les chansons populaires venues d’Ukraine. Une formation de combat qui va s’ouvrir telle une fleur, dessiner différentes figures géométriques dues à Evelin Facchini dans le balancement entre la célébration de la vie, individuelle et collective, et le témoignage de ce que la guerre détruit au jour le jour, le tout sans aucun pathos.

Une leçon de courage et de résistance.

Photo : © Christophe Raynaud de Lage