Festival In : Prendre la parole
Sea of Silence de Tamara Cubas. Théâtre Benoît XII. Du 4 au 9 juillet à 19 heures. Tél. : 04 90 14 14 14. festival-avignon.com
Elles sont sept ; sept femmes venues du Nigéria, d’Indonésie, du Brésil, d’Égypte, d’Uruguay, du Chili, du Mexique, des quatre coins du monde, qui se sont exilées pour fuir conflits, catastrophes et violences de toutes sortes. Elles sont sept, elles pourraient être (elles sont) des centaines, plus encore, à avoir abandonné leur pays, leur culture, leur famille… affirmant dans ce geste d’exil leur volonté de survivre, dans un élan de résistance au sinistre cours des choses. L’Uruguayenne Tamara Cubas les a rencontrées, elles et bien d’autres, là où elles s’étaient réfugiées et « installées » ici et là ; elle dialogue avec elles depuis quatre ans maintenant. Sea of silence, beau titre… parlant n’est que la dernière des propositions artistiques nées de ce travail de dialogue. Plasticienne et chorégraphe, les premières réalisations de Tamara Cubas concernant ces exilées sont de l’ordre d’installations et de performances, Gabriel Calderon, programmé un peu plus tard dans le In a même collaboré avec elle au plan de l’écriture pour ce qu’elle appelle « une promenade politique »… Sea of silence est donc, sur le sujet, la première incursion vraiment et presque totalement théâtrale (en tout cas donné sur une scène dans le cours officiel d’un festival) de Tamara Cubas, encore qu’elle se développe de manière clairement performative et ne se saisit dans la totalité de son enjeu que si l’on connaît ses propositions antérieures. Tout se passe, malgré la beauté et la force de la représentation, comme s’il nous manquait quelque chose, comme des pièces manquantes. C’est peut-être la seule réserve que l’on pourra faire sur ce travail réglé de formidable et très belle manière. À l’évidence Tamara Cubas a le sens de l’espace, dans l’intelligence de sa composition plastique. Le tableau initial, projecteurs pas encore allumés, permet de distinguer dans l’ombre des formes humaines, comme figées – véritables statues de sel – sous une racine nue (le symbole est plutôt convenu, on en conviendra, mais assez beau). Ce sont ces statues, ces femmes qui vont peu à peu s’animer, arpenter le plateau recouvert de sel, une véritable mer dans laquelle sont enfouies les habits et les parures de cérémonie des sept femmes qui s’en revêtirons avant de commencer leur incantation en groupe serré, véritable chœur composé des langues de chacune d’entre elles pour former une nouvelle langue qui, doublant les cris, défilera à toute allure sur le fond de scène. C’est saisissant mais laisse quelque peu groggy. C’est en tout cas, pour ceux qui ne connaissaient pas Tamara Cubas une belle découverte artistique à l’efficacité politique évidente.
Photo : © Christophe Raynaud de Lage