Théâtre d'aujourd'hui ?…

Jean-Pierre Han

10 mai 2024

in Critiques

Qui a peur de Tom Lanoye. Mise en scène d’Aurore Fattier. Théâtre 14. Jusqu’au 27 mai à 20 heures (jeudi à 19 heures, samedi à 16 heures). Tél. : 01 45 45 49 77. billetterie@theatre14.fr

QAP 4- ©Prunelle Rulens

Il y a moins d’une dizaine d’années ceux qui ont vu la mise en scène de Qui a peur de Virginia Woolf d’Edward Albee par Alain Françon, donné dans un théâtre privé à Paris, s’en souviennent encore. Il y a fort peu de chance que ceux qui auront vu Qui a peur de Tom Lanoye présenté par Aurore Fattier en gardent un aussi lointain souvenir : ils se seront sans doute empressés d’oublier ce qu’il leur a été proposé tant la démonstration (car malheureusement démonstration il y a) de la metteure en scène rate sa cible, malgré ce qui ressemble à une grosse artillerie théâtrale, poncifs de tous les sujets dans l’air du temps à l’appui.

Quelle "belle" idée que de couper le titre d’Albee en deux ! Il est vrai que l’on est loin de ladite Virginia Woolf et de quelqu’autre écrivaine (ou écrivain) que ce soit ! Ce qui est sûr c’est que Tom Lanoye ne possède guère la moindre once de talent d’un Edward Albee. Mais peu importe, il opère ailleurs se contentant de reprendre le même schéma (un squelette !) de la pièce initiale avec ses quatre protagonistes, deux duos, et c’est tout. Car le propos de l’équipe de création est de nous parler de ce dans quoi ils évoluent, c’est-à-dire, ô surprise et originalité, le petit – tout petit – monde du théâtre, et surtout ses bas-fonds où se trament les petites crapuleries, comme celle d’un metteur en scène à bout de souffle voulant engager deux comédiens étrangers (basané et de couleur) afin d’obtenir une subvention… On aura compris que l’on est dans une énième et très ressassée mise en abyme théâtrale avec tous les attendus du genre. C’est très pratique, c’est censé intéresser le profane qui s’en fiche complètement. À cette sauce peu ragoûtante il suffit d’ajouter les ingrédients dans l’air du temps, comme ceux de metoo par exemple et autres clichés bien sentis.

C’est bien connu lorsque l’on n’a rien à dire on se met à regarder son nombril et à parler de ses problèmes de création. Soit donc ici un couple de comédiens, fatigués, détruits, au soir d’une énième représentation pas vraiment folichonne et qui va devoir trouver des solutions s’ils veulent (ce qui n’est pas sûr, et à les voir on le comprend aisément) poursuivre leur « aventure » théâtrale. Cette trame présente un avantage : on ne sait s’ils sont vraiment mauvais ou s’ils jouent à l’être… Ce qui est sûr c’est qu’ils surjouent à en devenir insupportables, criaillant à qui mieux mieux, le tout dans un environnement scénographique (un bout de scène avec quelques chaises devant pour les spectateurs : nous sommes dans un théâtre !) d’une laideur qui ne peut qu’être voulue, elle. Quant au reste, notamment la vidéo (dont on ne saurait se passer), on est surpris de la voir aussi mal servir les comédiens, notamment en début de spectacle avec Claire Bodson. Les autres s’en tirent comme ils le peuvent, ce qui est rageant car on se dit qu’ils ne manquent sans doute pas de talent : Koen De Sutter, Leïla Chaarani et Khadim Fall que l’on espère voir dans d’autres conditions, et avec un autre texte à défendre.

Photo : © Prunelle Rulens