Une lente brûlure

Jean-Pierre Han

3 mars 2024

in Critiques

L’Enfant brûlé d’après Stig Dagerman. Adaptation et mise en scène de Noémie Ksicova. Odéon, Théâtre de l’Europe-Ateliers Berthier. Jusqu’au 17 mars à 20 heures. Tél. : 01 44 85 40 40.

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La « libre » adaptation du roman de Stig Dagerman, L’Enfant brûlé, par Noémie Ksicova pose de manière aig la question de ce type de travail qui est monnaie courante au théâtre. À voir le spectacle de la jeune metteure en scène, on ne peut qu’en venir à cette interrogation : on reconnaîtra à Noémie Ksicova sa parfaite honnêteté puisqu’elle parle bien de « libre » adaptation ajoutant dans le programme, que « je ne suis pas sûre que les fans de Dagerman soient très contents de cette adaptation. Je suis à la fois fidèle et infidèle […] Dès le début j’avais l’intuition que sa langue était trop belle pour qu’on puisse cohabiter. » C’est très précisément là où le bât blesse. Dans la disparition de la langue du romancier suédois. Dans la beauté de son style (que l’on pourra toujours apprécier même à travers sa traduction). Tout cela, effectivement, a disparu dans le spectacle de Noémie Ksicova. Que reste-t-il dès lors ? Le schéma de l’intrigue, cousue de fil blanc si on s’en tient donc à son simple résumé qui se déroule avec l’histoire du jeune Bengt vingt ans tout juste après le décès de sa mère qui s’est effondrée en faisant ses courses chez le boucher juste en face de leur maison (l’auteur en avait vingt-cinq au moment de l’écriture de son roman) ; le voilà condamné à vivre avec son père dont il apprend qu’il avait une maîtresse qu’il finira par rencontrer, et dont il tombera amoureux… Détail purement anecdotique si l’on s’en tient à ce résumé et qui ne rend pas compte de ce qui fait l’intérêt du spectacle, à savoir l’état psychique de Bengt et ses relations complexes et conflictuelles jusqu’à la violence avec les protagonistes de la pièce, à savoir son père et son amante bientôt épousée, et la petite amie du jeune homme. C’est cette partition à quatre réécrite par Noémie Ksicova qu’il est donné de voir dans une scénographie lourde d’Anouk Dell’Aiera (et sûrement très coûteuse) dont on se dit qu’elle n’était pas forcément nécessaire dans son « réalisme » appuyé. Bien évidemment le focus, et le lent tempo du spectacle, sont donnés par l’enfant brûlé Théo Oliveira Machado, sans aucun doute un excellent et très singulier comédien, mais qui, malheureusement en surajoute (surjoue) dans le non-jeu, comme les deux femmes, plutôt raides, Lumir Brabant et Cécile Péricorne. Seul Vincent Dissez (le père) échappe quelque peu à ce schéma et apporte un léger souffle de vie sans pour autant nuire au schéma directeur de sa metteure en scène dont le spectacle s’étire un peu trop longuement.

Photo : © Jean-Louis Fernandez