Une « fugue » théâtrale ?
Baùbo - De l’art de n’être pas mort. Mise en scène de Jeanne Candel. Direction musicale de Pierre-André Badaroux. La vie brève – Théâtre de l’Aquarium, du 2 au 10 février 2024. Du mercredi au samedi à 20 h 30, (relâche le mercredi 7 février). Tél. : 01 43 74 99 61.
Spectacle vu à la création le 30 novembre 2023.
Le rire, l’impertinence du rire, sont sinon les meilleurs antidotes à la mort, du moins une manière de mieux l’aborder – avec moult pieds de nez et autres pitreries, mais avec force beauté dans bien des cas – ; les surréalistes notamment s’y sont beaucoup essayé… Et voilà que Jeanne Candel avec sa dernière proposition s’y colle, avec un bel aplomb, annonçant – un brin provocatrice – la couleur dès son titre, Baùbo, de l’art de n’être pas mort. Sûre de son fait, elle n’y va pas les mains vides si on peut dire, puisqu’à son habitude elle a recours à l’art musical tout comme l’art pictural qu’elle entremêle savamment à l’art théâtral. C’est un étonnant tableau – une série de tableaux – qu’elle compose ou décompose, on ne sait, sur le plateau. Et puisque c’est bien de mort dont il est question, il va de soi que c’est dans un regain de vie que tout se développe – vie et mort indissociables bien évidemment – jusqu’à l’extrême des passions, de toutes les passions, mais amoureuses d’abord, jusqu’à la Passion aussi bien sûr. Rien de plus évident s’il faut en revenir à l’étymologie du terme, des termes, et Jeanne Candel ne se prive pas d’y revenir et d’en explorer toutes les faces, toute la profondeur aussi. C’est drôle dans la gravité du propos et dans la manière de l’exprimer ; une gamme tous azimuts. De tableau en tableau on pourrait les énumérer à loisir, le tout dans une tonalité où le noir prédomine, certains d’une beauté à couper le souffle où l’humour (noir ; voir la définition qu’en donnaient les surréalistes, j’y reviens) le combat à la dérision, avec bien sûr chœur de pleureuses mené par Jeanne Candel en personne. Un service funèbre, sur « fond » musical qui devient rapidement élément constitutif du spectacle, d’une Passion du compositeur allemand Heinrich Schütz par Pierre-Antoine Badaroux, avec la voix de la mezzo-soprano Pauline Leroy. Un entrelacs savamment composé, maîtrisé jusqu’au bout avec, outre les interprètes déjà cités, Félicie Bazelaire, Prune Bécheau (en alternance Perrine Bourel), Richard Comte, Pauline Huruguen (qui ouvre les hostilités) Hortense Monsaingeon et Thibault Perriard… tout cela dans une parfaite fulgurance, celle des rêves qui, à peine éclots, finissent par s’évanouir.
Photo : © Jean-Louis Fernandez