Avignon in: La récompense

Jean-Pierre Han

22 juillet 2023

in Critiques

Le Beau Monde d’Arthur Amard, Rémi Fortin, Simon Gauchet et Blanche Ripoche. Représenté à la Cour Monfaucon de la Collection Lambert du 19 au 21 juillet à 21 heures et 23 heures 59.

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Pour n’être pas totalement original, le dispositif mis en place par un quatuor composé d’Arthur Amard, Rémi Fortin, Blanche Ripoche, tous trois présents sur scène, et Simon Gauchet, n’en demeure pas moins alléchant : il permet de jeter un regard « innocent », sinon vif et incisif, sur le monde d’aujourd’hui appréhendé bien des décennies plus tard. Une distance souvent utilisée en littérature permettant, regard acerbe, toutes les critiques à notre encontre. Le quatuor ne s’est donc pas privé et a accommodé le dispositif à sa sauce. On ne s’en plaindra pas. Lauréat du Prix du jury du festival Impatience, c’est depuis quelques années la récompense – être invité dans le « In » – dont jouit le lauréat de l’année écoulée. C’est avec Le Beau monde, en l’occurrence, également la récompense pour un public qui aura dû avaler bien des couleuvres et qui n’aura guère eu le temps de véritablement prendre plaisir aux spectacles proposés, étant donné le sérieux (de plomb) de certaines propositions. Et je ne parle pas ici des gaudrioles du Jardin de Mons (Gwenaël Morin) ou du vide sidéral de la Carrière Boulbon (Philippe Quesne)… Bref, avec le Beau monde qui prétend commémorer pratiques et gestes de notre XXIe siècle en une série de petites séquences éclairant nos faits et gestes, comme la pratique théâtrale, voilà un beau moment de détente et de rire sain qui nous est proposé. Un moment qui ne risque guère d’ailleurs de dérailler et de s’en aller vers des rivages plus corrosifs.

C’est une série de 46 fragments de cette vie d’antan, c’est-à-dire d’aujourd’hui, que les trois olibrius en scène nous disent avoir retrouvés sur un corpus de 427 dénombrés mais perdus pour la plupart donc. C’est bien la perte de la mémoire, de toute mémoire de notre siècle, qui est ainsi soulignée. Une habile manière aussi de permettre à chacun d’apporter sa petite pierre personnelle à l’ensemble, d’en faire le mélange et de nous les restituer intégralement ou en partie seulement. Voilà donc un vrai travail d’équipe sur une idée originale de Rémi Fortin. Habile et forcément gagnant quand on saisit la personnalité comique bien particulière de chacun. De ce point de vue, ils sont, véritables clowns, et avce un vraie connivence entre eux, impayables.

À ce jeu, bien sûr, il y a toujours des hauts et des bas, des fragments plus ou moins réussis. Comment au fil des interventions maintenir l’attention, naviguer sur un même élan ? C’est toute la question dont l’une des réponses aurait pu être d’aborder l’aspect un peu plus politique des choses. Certaines têtes de chapitre auraient d’ailleurs pu le susciter comme celle de « l’acte de propriété », le quatuor préfère ne pas… Reste un beau travail en forme d’exercice plaisant dont on se contentera.

Photo : © Christophe Raynaud de Lage