Avignon in : La vie comme elle va

Jean-Pierre Han

21 juillet 2023

in Critiques

The Confessions d’Alexander Zeldin. Mise en scène de l’auteur. La Fabrica, jusqu’au 23 juillet à 16 heures. Tél. : 04 90 14 14 14. festival-avignon.com

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Lourds rideaux rouges fermés des théâtres à l’ancienne : une femme âgée marche à pas menus, hésitants, comme en errance sur le devant du plateau de plain-pied avec les premiers rangs de spectateurs. Est-ce une de ces nombreuses femmes d’un certain âge en recherche, billet à la main, de leurs places dans la salle ?… Une parmi d’autres ?

Ainsi commencent The Confessions d’Alexandre Zeldin. La femme va lentement accompagner l’ouverture des rideaux découvrant ainsi, dans le lointain, une autre petite scène, celle représentant l’estrade d’une salle des fêtes. Boîte dans la boîte. Scène de la mémoire encastrée dans celle de l’aujourd’hui. On aura vite compris : c’est le théâtre de sa vie que la femme va nous révéler. Un théâtre de la mémoire donc. Elle sera là, à déambuler discrètement ici et là devant ou à côté de l’espace de jeu durant tout le spectacle, presqu’au côté parfois de celle qu’elle fut autrefois. Discrète manière de nous rappeler à notre position de spectateur de l’histoire de sa vie. Une histoire de femme donc qui se déroule dans la deuxième partie du XXe siècle. Cette histoire qui nous est narrée, c’est simplement celle de la mère de l’auteur-metteur en scène Alexander Zeldin dont on connaît le travail toujours réalisé au plus proche de la réalité sociale. Une réalité saisie et reproduite ici à partir de tout un travail d’entretiens qu’il a mené auprès de sa mère, sans que l’on puisse dire s’il est d’une totale fidélité – il l’avoue d’ailleurs – ce qui, finalement est de peu d’importance.

Une vie donc qui débute en 1943 en Australie au sein d’une famille humble, avec un père qui aime la peinture et s’y exerce en amateur ; on retrouvera cet amour de la peinture beaucoup plus tard chez sa fille, Alice, dont le rêve est d’apprendre, de découvrir le monde, mais qui se retrouvera prise au piège d’un mariage à 18 ans – une vie normale en somme bien sûr voulue par la mère – avec un homme psycho-rigide qui ira jusqu’à tenter de l’assassiner. Divorce, liberté retrouvée et toujours cette soif d’apprendre, de vivre. Mouvements de toute une époque. Ceux particulièrement de la libération des femmes des années soixante-dix. Rupture après le traumatisme d’un viol) et voyage au loin vers l’Europe en Italie, en France, en Grande-Bretagne… Passons sur les épisodes un tantinet longuets contribuant à cette ouverture au monde, à cette liberté gagnée, l’essentiel n’est peut-être pas tant dans ce parcours pourtant emblématique, il réside davantage dans le minutieux travail qu’a opéré Alexander Zeldin sur cette matière. Avec une équipe de comédiens remarquables de justesse dans les différents rôles autour de la personne d’Alice, Eryn Jean Norvill, qui dans sa manière de traverser sa vie et les embûches parsemées sur son chemin nous émeut au plus haut point, restant toujours dans une sorte de froide (en apparence) détermination. Elle donne à son rôle une pesanteur charnelle étonnante sauvant ainsi un spectacle qui se perd parfois dans d’inutiles redites et n’évite pas des moments « creux » flirtant avec un certain pathos.

Photo : © Christophe Raynaud de Lage