Avignon In : Néfaste Gwenaël Morin

Jean-Pierre Han

20 juillet 2023

in Critiques

Le Songe d'après William Shakespeare. Jardin de la rue de Mons (Maison Jean Vilar). Jusqu’au 24 juillet à 21 h 30. Tél. : 04 90 14 14 14. festival-avignon.com

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Je n’avais pas prévu d’aller voir Le Songe d’après Shakespeare qu’il met en scène au Jardin de la rue de Mons (Maison Jean Vilar) qui abritait jadis le service de presse du festival. Mais les discours autour de sa personne, le fait que le voilà programmé pour les quatre années à venir ont finalement eu raison de ma résistance – comme quoi l’acharnement médiatique finit toujours par vous atteindre – : je suis aller voir son travail. Mal m’en a pris. Depuis Aubervilliers Gwenaël Morin n’a pas changé : il fait du Gwenaël Morin, s’emparant sans vergogne d’un chef-d’œuvre du passé, le traficotant (dans les coupes surtout), et nous livrant sa sauce, comique forcément, peu ragoûtante.

Jean Vilar (puisque nous sommes dans le jardin de sa Maison) affirmait haut et fort que pour un public populaire, n’ayant pas forcément une quelconque habitude de la chose théâtrale, il fallait lui donner le meilleur, c’est-à-dire les plus hautes œuvres du répertoire. Gwenaël Morin fait exactement le contraire : il prend effectivement les grands œuvres du passé, joue et profite de leur notoriété, mais les rabaisse au plus bas, c’est-à-dire au niveau du pire de la télévision, laquelle d’ailleurs, pour je ne sais quelle chaîne, est venu enregistrer le spectacle. En gros plans, lesquels aggravent les expressions, la chose risque d’être plutôt difficile à supporter, les acteurs passant leur temps à hurler et à cabotiner à qui mieux mieux, ne faisant d’ailleurs ainsi bien sûr que suivre les indications de leur metteur en scène : on se retrouve ainsi devant une représentation donnée par des enfants du primaire qui effectueraient leurs premiers pas théâtraux. Ce qui, dans ce dernier cas, est plutôt touchant, est ici parfaitement insupportable. Le seul point positif étant que la distribution n’aura pas cédé à la mode consistant à être sonorisé (souvent mal) même à trois pas du public… On dira bien sûr dans le cas de figure de cette « adaptation » du Songe d’une nuit d’été que le Grand Will s’était, avec les scènes mettant en jeu des artisans plutôt balourds mais touchant dans leur volonté de monter un spectacle s’était (sans le vouloir), donné des verges pour se faire massacrer, mais enfin ce n’est guère là une excuse. Et on souffre pour les comédiens qui se donnent à fond et, je suppose, ne manquent peut-être pas de talent que l’on découvrira sans doute un jour dans d’autres productions.

Une dernière chose qui n’est guère réjouissante : qu’une partie du public « marche » devant ce type de « spectacle » est un mystère qui en dit peut-être long quand même sur l’état de notre petit monde théâtral.

Photo : © Christophe Raynaud de Lage