Avignon Off : Un spectacle lumineux

Jean-Pierre Han

17 juillet 2023

in Critiques

Un jour tout s’illuminera. Adaptation et mise en scène de Sergi Emiliano i Griell. Théâtre du Train bleu. Jusqu’au 25 juillet à 10 h 55 les jours impairs. www.theatredutrainbleu.fr

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À la lancinante question de savoir comment traiter le réel au théâtre, dans son acception la plus triviale et la plus sombre aussi, à travers les faits divers (sordides) notamment, la compagnie Troisième génération a le très bon goût de proposer une réponse qui pourra en surprendre certains. On ne peut de prime abord que leur en être reconnaissant, ce type d’interrogation, comme on a encore pu le constater il n’y a pas si longtemps de cela, ne semblant guère venir à l’esprit de certains « créateurs » qui se contentent d’essayer de coller au plus près à la réalité, allant parfois même jusqu’à invoquer le côté documentaire de leur travail. Documentaire, le mot est lâché et c’est d’ailleurs de ce côté-là que se situe le travail de certaines équipes prenant appui sur des témoignages filmés. Avec des résultats pour le moins contrastés. Troisième génération a œuvré avec Un jour tout s’illuminera dans cette direction puisque la compagnie est partie d’un film du documentariste, Mosco Boucault, réalisé en 2008, Roubaix, commissariat central, affaires courantes dont s’était emparé Arnaud Desplechin pour, à son tour, réaliser en 2019, un long métrage, Roubaix, une lumière. Le film de Mosco Boucault est devenu « invisible », nous n’aurons donc pas l’occasion d’établir de point de comparaison et c’est peut-être mieux ainsi ; nous resterons ainsi dans la sphère purement théâtrale.

Et c’est bien une des grandes qualités du spectacle signé Sergi Emiliano i Griell que de rester dans la stricte sphère théâtrale, et de trouver des solutions scéniques d’une réelle justesse. De jouer aussi dans un maillage ou une alternance intéressants, scènes de pur réalisme, ou soi-disant tel, et séquences décalées dans le jeu des acteurs. Il faut, à n’en pas douter, une vraie dextérité de la part des comédiens pour parcourir toutes les gammes de ce type de registre. Tous, Agnès Delachair, Jules-Angelo Bigarnet, Clémentine Marchand, Paul Jeanson, Faustine Tournan et Matthieu Carrani, répondent présent, passant sans ambages d’un rôle à un autre, dans une belle cohésion. Et surtout en mettant en œuvre ce qui fait leur spécificité – la compagnie existe depuis de nombreuses années et a expérimenté sa méthode de travail dans différents spectacles – une pratique gestuelle et corporelle au service d’une occupation de l’espace pensée avec rigueur. Tout cela enfin dans une réelle pensée concernant le sujet (le meurtre d’une vieille femme par deux jeunes femmes, le tout dans un environnement miséreux et l’enquête policière qui s’ensuit) évoqué qui, à partir de là trouve un éclairage saisissant.

Photo : © Nathanaël Charpentier