Avignon off : Un véritable livre de vie

Jean-Pierre Han

15 juillet 2023

in Critiques

Les 7 nuits de la reine de Christiane Singer. Adaptation d’Evelyne Pelletier. Mise en scène de Philippe Lanton. Théâtre des Lila’s jusqu’au 17 juillet à 18 h 40. Tél. 04 90 33 89 89.

La voix de l’écrivaine Christiane Singer disparue en 2007 résonne d’admirable manière par la grâce d’Evelyne Pelletier, à la fois délicate adaptatrice du roman de l’écrivaine et interprète de l’unique personnage des Sept nuits de la reine. Sept nuits, pour ainsi dire sept (chiffre sacré) âges de la vie. Ce n’est pas un hasard si justement Les âges de la vie est le titre d’un essai de Christiane Singer dans lequel elle décrit les différentes métamorphoses de l’être au cours de la vie. Et précisait-elle, « il est évident que tout cela ne vaut que si l’on a appris en cours d’existence à mourir »… « Apprendre à mourir » : en sept nuits l’héroïne des Sept nuits de la reine aura fait la douloureuse expérience de la mort. Sept nuits ou sept stations qui débutent par celle où, à Berlin, la narratrice (elle a sept ans ! ) fait enfin connaissance avec son véritable père emprisonné par la Gestapo, et qui sera fusillé un jour avant que les troupes russes ne viennent délivrer la ville. C’est donc bien une sorte de naissance à la mort dont il est ici question, et qui va se poursuivre dans les autres stations auprès d’un amant, d’un mari, d’un fils… avant d’atteindre une sorte de rédemption, avant d’atteindre ce moment de « liberté immense », avant que l’espace ne s’ouvre définitivement. Sans doute n’est-ce pas un hasard si ces Sept nuits de la reine est l’avant dernier roman de Christiane Singer écrit juste avant Seul ce qui brûle qui a fait l’objet d’une adaptation théâtrale par Julie Dellile il y a peu. Cela cinq ans avant sa propre disparition : elle-même avait franchi tous les âges de la vie, et peut-être atteint sinon une « liberté immense », du moins « un espace agrandi »…

C’est tout cela qu’Evelyne Pelletier nous donne à sentir avec une subtilité et une délicatesse extrêmes et dans une grande simplicité et économie d’expression et de moyens, tout cela sous la houlette très précise et ferme de Philippe Lanton.

Un véritable moment de grâce.