Avignon In : éclats de vie, éclats de théâtre

Jean-Pierre Han

15 juillet 2023

in Critiques

Écrire sa vie, d’après l’œuvre de Virginia Woolf. Adaptation et mise en scène de Pauline Bayle. Théâtre des Carmes, jusqu’au 16 juillet, à 22 heures. Tél. : 04 90 14 14 14. festival-avignon.com

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Écrire sa vie : le titre dans son annonce dénote une incroyable ambition, celle de raconter la vie, et on suppose une bonne partie de son œuvre, de Virginia Woolf. En cela d’ailleurs ce projet se démarque de la dernière et très réussie création de Pauline Bayle concernant l’adaptation d’Illusions perdues de Balzac. Sauf que dans ce dernier cas, il n’était question que d’une seule œuvre contenant d’ailleurs bon nombre de dialogues, alors qu’avec ce travail autour de Virginia Woolf, et particulièrement autour des Vagues la configuration du projet est totalement différente. Tout réside bien dans ce décalage et on comprendra peut-être mieux ainsi la déception que l’on ressent à la vue de ce nouveau spectacle donné, qui plus est, en plein air, dans la cour du cloître des Carmes, ce qui ne fait qu’accroître les difficultés de jeu.

Il est étonnant de voir à quel point Les Vagues, et au-delà l’œuvre entière de Virginia Woolf, fascine les gens de théâtre. On se souviendra ainsi qu’une metteure en scène comme Anne-Marie Lazarini était revenue à quatre reprise sur l’œuvre de l’écrivaine, on se souviendra surtout de Guillaume Vincent qui avait présenté une adaptation du roman justement, en 2004, reprenant d’ailleurs certains fragments de cette œuvre lors d’un travail d’atelier réalisé à l’École du théâtre du Nord où d’ailleurs Pauline Bayle avait de son côté dirigé un autre groupe sur… Les Vagues. C’était en 2021 juste avant qu’elle ne commence à travailler sur son spectacle.

Un choix plutôt osé – impossible ? – si on veut bien considérer que le roman de Virginia Woolf donne la parole alternativement à six personnages qui attendent tous un septième individu dénommé ici Jacob (au lieu du Percival d’origine !) qui, comme Godot, ne viendra jamais. Voilà pour un début de trame à partir duquel Pauline Bayle va insérer, développer certains autres textes de l’autrice. Délicat travail pas forcément très éclairant et qui demande à son tour une patte d’autrice aussi et non plus seulement d’adaptatrice. Le résultat laisse sceptique, et ce n’est pas faute de tentatives tous azimuts aussi bien au plan de l’écriture, du maillage des différents textes de l’autrice anglaise dans leurs morcellements, que de leurs traductions sur le plateau. Il y a une forte énergie déployée par les comédiens (Hélène Chevallier, Guillaume Compiano, Viktoria Kozlova, Loïc Renard, Jenna Thiam et Charlotte Van Bervesselés) tous excellents sans doute et que quelques mouvements chorégraphiés soulignent encore, mais qui ne sied pas toujours avec certains propos intimistes de l’autrice. On notera à ce propos que la sonorisation de leurs voix ne les aide guère non plus dans ce domaine…

L’intimité, ou plutôt une sorte de connivence, Pauline Bayle tente de la créer avec le public, dans des dispositifs, scénographique en particulier, et le fait d’envoyer ses comédiens dans le public, mais pas sûr que l’osmose se fasse…

La question qui se pose est de savoir ce qu’un spectateur n’ayant aucune connaissance de l’œuvre de Virginia Woolf aura pu en tirer à la vision du spectacle. Les autres, eux, resteront sur leur faim pas convaincus de la pertinence de l’éclairage de l’œuvre de Virginia Woolf qui pourtant en certains endroits est d’une brûlante actualité, mais ceci est une autre histoire.

Photo : © Christophe Raynaud de Lage