Avignon In : Vieux théâtre de papa

Jean-Pierre Han

13 juillet 2023

in Critiques

Baldwin and Buckley at Cambridge par Elevator Repair Service. Présenté du 7 au 11 juillet au Gymnase du lycée Mistral.

Joan Marcus

Le principe de ce spectacle créé en 2021 est on peut plus simple : transcrire sur un plateau de théâtre et quasiment tel quel un débat qui eut lieu en 1965 à l’université de Cambridge, entre l’écrivain noir James Baldwin et le journaliste conservateur William F. Buckley. Le genre de confrontation dont tout le monde pense de prime abord qu’il sera passionnant, la bonne affiche en somme dont télés, journaux et organisateurs de débats publics aiment à se repaître… Quant au résultat il est comme toujours sinon quelque peu décevant ou à tout le moins un peu court car on aimerait bien sûr que la joute se poursuive ; on classera la rencontre entre Baldwin et Buckley dans cette deuxième catégorie, ce qui étant donné le « sujet » évoqué semblera iconoclaste car enfin évoquer le sujet proposé sur « le Rêve américain existe-t-il au détriment du Noir américain ? » reste, dira-t-on, toujours et même plus que jamais d’actualité, bien sûr. Un peu court tout de même surtout de la part de William F. Buckley qui, en bon citoyen de droite, tente de désamorcer les questionnements et les affirmations de James Baldwin. Mais son argumentation très retorse ne parvient pas vraiment à démonter ce qu’avait avancé son adversaire. Dialogues de sourds (intelligents certes, mais sourds quand même), une fois de plus.

Mais à vrai dire ce type de question ne se pose pas vraiment ici, l’important résidant dans le travail théâtral proposé par la compagnie new-yorkaise Elevator Repair Service de Greig Sargeant et John Collins. De ce point de vue on ne peut qu’être frustré. Que nous propose-t-on au bout du compte, sinon une reconstitution à l’identique du célèbre débat avec les deux pupitres des deux protagonistes alignés face à face selon une belle diagonale, et c’est tout. Reste alors la prestation des intervenants et là on ne peut qu’être agacé, avec des acteurs à la limite de la caricature, effets de manche garantis, défauts qui épargnent toutefois l’interprète de James Baldwin (Greig Sargeant, ouf !) : du bon vieux théâtre de papa en somme, et si le débat date de 1965 tout en restant d’actualité, la forme théâtrale adoptée, elle, n’est plus vraiment d’actualité.

Le théâtre montre toutefois et fort heureusement le bout de son nez avec l’épilogue, inventé cette fois-ci par Greig Sargeant et April Matthis et qui met en présence James Baldwin avec son amie Lorraine Hansberry qui fut la première femme noire à voir une de ses pièces, Un raisin au soleil, montée à Broadway en 1959. Trois rien peut-être que ce court dialogue, mais vraiment bien venu.

Photo : © Joan Marcus