Toute une vie

Jean-Pierre Han

23 février 2023

in Critiques

Appels d’urgence d’Agnès Marietta. Mise en scène de Heidi-Eva Clavier. Manufacture des Abbesses jusqu’au 29 mars, à 21 heures (lundi, mardi, mercredi) et 20 heures (dimanche). Tél. : 01 42 33 42 03.

Idée visuel Appels durgence

Coco Felgeirolles est une actrice rare – non pas qu’elle aurait peu joué (c’est même tout le contraire !) – mais simplement sa seule et très singulière présence sur un plateau de théâtre, sa manière d’être et de jouer qui n’appartiennent qu’à elle imprègnent les lieux et les cœurs des spectateurs. Elle possède une élégance naturelle, liée à une sorte de tranquille douceur qui sait, le cas échéant, faire preuve d’une réelle détermination. Ainsi apparaît-elle dans le spectacle spécialement écrit pour elle par Agnès Marietta, Appels d’urgence, mis en scène par Heidi-Eva Clavier. Un trio de femmes auquel il faut ajouter – présente/absente – une quatrième et déterminante personnalité ayant réellement existé qui a été, pour ainsi dire, le déclencheur du projet. Cette femme, une professeure de latin dans les années 1960 à la personnalité forte, brillante et généreuse a marqué à tout jamais Coco Felgeirolles. C’est à partir d’elle qu’Agnès Marietta qui possède une réelle expérience en la matière, s’est mise à écrire pour l’actrice ces Appels d’urgence. Sans doute un vrai travail de symbiose mêlant le réel et la fiction. Ne restait plus à la metteure en scène Heidi-Eva Clavier dont on se doute qu’elle a dû participer ou tout au moins être très présente à la gestation commune entre Agnès Marietta et Coco Felgeirolles, ne lui « restait plus » qu’à peaufiner sur le plateau ce travail d’écriture à partir d’une plongée dans le passé – murs et bord du plateau sont parsemés de photographies d’une vie « d’autrefois » – nourrissant le présent dans de constants allers-retours. Elle le fait avec beaucoup d’intelligence et de finesse, avec trois fois rien, mais à l’évidence tout jusqu’au moindre détail a été pensé. On suit donc avec intérêt et même un certain amusement (c’est sans doute la marque d’une authentique pudeur) l’histoire de cette femme, l’histoire de toutes les femmes qui, une fois atteint un certain âge se voient reléguées dans une « position de plus en plus réduite […] mais on peut se libérer, à tout âge, se rebeller et choisir sa vie. » Telle est bien la leçon à tirer de ce spectacle, telle est bien la leçon que nous offrent ces trois femmes à travers, notamment, la comédie du combat avec les nouvelles inventions technologiques (télévision, mobiles et autres instruments novateurs chargés de nous libérer). Passage du temps : arrive aujourd’hui celui de la jeune Heidi-Eva Clavier qu’il faudra suivre attentivement.

Photo : DR