Pouvoirs de l'imaginaire

Jean-Pierre Han

2 décembre 2022

in Critiques

La Reine des neiges, l’histoire oubliée, d’après Hans Christian Andersen. Mise en scène de Johanna Boyé. Théâtre du Vieux-Colombier, à 20 h 30, jusqu’au 8 janvier 2023. Tél. : 01 44 58 15 15. www.comedie-francaise.fr

Pour aussi anecdotique que soit l’avertissement de la metteure en scène du spectacle, elle est ici, dans cette Reine des neiges, l’histoire oubliée, d’une importance capitale. Adaptatrice, avec Élisabeth Ventura, de l’œuvre de Hans Christian Andersen, Johanna Boyé, en effet, entend de prime abord, se démarquer de la guimauve cinématographique de Walt Disney. Ce qui l’a orienté dans un premier temps à revenir sinon au texte original, du moins à sa dynamique première, puis à traiter le sujet de manière « sérieuse » encore qu’extrêmement ludique, sans les niaiseries enfantines souvent d’usage dans nombre de productions du genre. La deuxième partie du titre, « l’histoire oubliée », énonce on ne peut plus clairement le projet de Johanna Boyé et de d’Élisabeth Ventura qui ne renoncent pas pour autant à prendre toutes les libertés qui conviennent dans ce type de travail. Mais enfin, au bout du compte (du conte ?), voici dans sa réalisation un théâtre adulte pour jeune public.

L’accent est bien mis sur ce que l’on retrouve souvent dans les œuvres destinées aux enfants et adolescents, à savoir l’apprentissage de la vie ou comment grandir, dans des équipées clairement initiatiques. On retrouve ainsi les 7 étapes – les 7 stations – qui vont permettre aux deux amis d’enfance, Kay le garçon et Gerda la petite fille, de franchir les différentes phases de la vie et finir par découvrir en fin de parcours qu’ils sont « devenus de grandes personnes »… C’est ce parcours que les spectateurs, petits et grands, sont invités à vivre dans un grand déploiement théâtral, imaginé pour ce qui est de l’environnement spatial par Caroline Mexme autorisant toutes les « folies » et autres excentricités merveilleuses, ce dont profite et se sert au maximum, ne serait-ce que dans la palette de couleurs de ses réalisations, la costumière Marion Rebmann, pour habiller les comédiens. Tout, dans ce spectacle concourt à l’émerveillement, dans une sorte de fluidité, même si l’on passe, durant les 7 étapes, d’un lieu et d’une tonalité à un autre. Les comédiens, bien sûr, qui tous interprètent plusieurs rôles, s’y adonnent avec grâce et plaisir, bien aidés, semble-t-il, par le travail chorégraphique de Johan Nus. Il est vrai que l’éventail des rôles proposés est pour le moins alléchant, et passer, comme le fait Jérôme Pouly de l’interprétation savoureuse d’une corneille à celle d’un renne (car il y a aussi des animaux doués de langage !) a de quoi ravir petits et grands. Mais c’est bien sûr toute la distribution qu’il faut louer, de Suliane Brahim (en alternance avec Élisa Erka) à Léa Lopez (Gerda) en passant par Danièle Lebrun, belle Grand-Mère conteuse qui prend en charge l’histoire, Adrien Simon (Kay) et Julie Cavanna, tous unis dans le même tempo imposé par Johanna Boyé.

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