Sans tambour, mais avec trompettes ?

Jean-Pierre Han

30 novembre 2022

in Critiques

Sans Tambour. Arrangements collectifs à partir de lieder de Robert Schumann. Mise en scène de Samuel Achache. Direction musicale de Florent Hubert. Théâtre Gérard-Philipe, CDN de Saint-Denis avec le Festival d’automne, jusqu’au 11 décembre à 20 heures, puis tournée. Spectacle vu au Festival d’Avignon en juillet 2022.Tél. :01 48 13 70 00.

sanstambour-samuelachache-jean-louisfernandez

Mine de rien, et alors que la thématique choisie et annoncée du spectacle est celle de l’effondrement des sentiments au monde, et donc de l’éclatement de toute cohérence, Samuel Achache et sa bande d’interprètes (ce sont ici quasiment tous des fidèles que l’on retrouve de spectacle en spectacle) nous offrent une œuvre d’une rare subtilité dans le tissage qu’elle opère entre toutes les thématiques et les séquences choisies. Un sacré paradoxe que ce savant tricotage entre les différents motifs mis joyeusement à bas entre art musical et art dramatique. Avec effectivement effondrement palpable et visible – une maison dépecée sous les coups du couple censé y habiter, un couple lui aussi en train de se désintégrer –. Et alors que musiciens et soprano vont venir y mettre du leur, démembrant à leur tour des lieder de Robert Schumann, et les recomposant dans le même élan pour nous les re-servir… autrement. C’est beau et désespérant. C’est surtout dans les meilleurs moments parfaitement hilarant. Il faut citer tous ces olibrius, Lionel Dray et Sarah Le Picard côté dramatique, Gulrim Choï, Antonin-Tri Hoang, Florent Hubert à la direction musicale, Sébastien Innocent, Léo-Antonin Lutinier, la soprano Agathe Peyrat et Eve Risser. Ce joyeux groupe de démolisseurs, maîtres dans l’art de passer d’un registre (pas seulement musical) à l’autre sont en train d’inventer un nouvel art… à la fois savant et populaire dans sa facture burlesque.

Dans l’annonce du spectacle, il est question d’ « arrangements collectifs à partir de lieder de Robert Schuman » ; c’est une description parfaitement juste, la notion de « collectif » prenant ici, enfin, tout son sens. Concernant leurs arrangements, il serait juste de compléter l’information en parlant des dérangements nécessaires pour mieux opérer ces fameux arrangements… Sans tambour se situe très exactement dans l’intervalle entre le dérangement et l’arrangement, dans un espace-temps singulier peuplé d’êtres que l’aile de la poésie a touché et qu’un léger souffle de nostalgie vient même parcourir.

Photo © Jean-Louis Fernandez