Vania et son double

Jean-Pierre Han

18 septembre 2022

in Critiques

Vania/Vania ou le démon de la destruction, mise en scène de Clément Poirée. Théâtre de la Tempête, jusqu’au 23 octobre, à 20 heures. Tél. : 01 43 28 36 36. www.la-tempete.fr

Si le théâtre est un jeu (sérieux) il peut s’autoriser toutes les combinaisons possibles et imaginables. En voici donc une proposée par Clément Poirée autour de l’un des chefs-d’œuvre de Tchekhov, Oncle Vania. qu’il présente en concordance et en contrepoint de la pièce qui l’a précédée et inspirée quelques années plus tôt, Le Génie des bois. Pour se faire il invente même un dispositif particulier, soit un couple de scénaristes écrivant chacun sa version de Vania. Deux versions qui se contredisent parfois, sont même parfois en totale contradiction et se corrigent donc. La version du jeu est prise en main par un trio formé du metteur en scène, Clément Poirée, de Mustafa Benaïbout et de Louise Coldefy, ces deux derniers se retrouvant tout naturellement sur le plateau dans leur propre fonction de scénaristes, adaptateurs, monteurs, mais aussi pour assumer des rôles « traditionnels » cette fois-ci dans ce Vania/Vania ou le démon de la destruction, un titre on ne peut plus parlant. Car cette question de la destruction parcourt en effet tout le spectacle. Esprit de destruction qui caractérise effectivement des personnages de Vania/Vania, mais quelque part aussi, si l’on regarde de près, destruction d’Oncle Vania (à défaut du Génie des bois parfois appelé Le Sauvage). Détruire, dira sans doute Clément Poirée, pour mieux reconstruire, et mieux discerner les véritables enjeux de la pièce.

C’est bien à ce niveau que se pose la question de la pertinence du spectacle. Il n’est pas sûr du tout en effet qu’un tel travail donne à voir et à entendre ce que montre et dit véritablement Oncle Vania de manière plus approfondie. On en a pour preuve le fait que lorsque des séquences de la pièce sont jouées sans apprêt et interruption volontaire, sans jeu de mise en abyme, elles acquièrent soudainement une force étonnante. Par la grâce de son interprétation d’abord, celle notamment d’Elsa Guedj dans le rôle de Sonia, la fille du premier lit du vieux professeur Alexandre Serebriakov (John Arnold), amoureuse du médecin Michael Astrov (Matthieu Marie). Il y a dans ces moments-là une justesse de jeu tout à fait prenante. Et on est tout heureux alors de retrouver Louise Coldefy dans le rôle d’Elena, la femme du professeur…

La tentative est intéressante, sur le papier, pas sûr qu’elle fonctionne à plein sur le plateau. On ne peut que le regretter.