AVIGNON IN : Tout l'art du théâtre

Jean-Pierre Han

21 juillet 2022

in Critiques

Partie de Tamara al Saadi donné dans le cadre de "Vive le Sujet ! Série 3". Jusqu’au 25 juillet à 11 heures. Tél. : 04 90 14 14 14. festival-avignon.com

Roger Vitrac estimait naguère qu’il suffisait de « quatre planches et pas grand-chose » pour faire théâtre. Aujourd’hui, près d’un siècle plus tard, Tamara al Saadi, sourire aux lèvres, a quelque peu amélioré les quatre planches, mais nous démontre qu’avec toujours « pas grand-chose », cela suffit amplement. Accompagnée de trois complices, Justine Bachelet, Éléonore Mallo et Jennifer Montesantos, c’est tout l’art du théâtre qu’elle nous offre en 45 petites minutes en nous demandant d’apporter très modestement notre contribution le temps de quelques ânonnements de textes distribués à l’entrée de la salle.

Une table avec divers instruments (seau à moitié rempli d’eau, balle de tennis, ciseaux, chiffons, etc. autant d’accessoires permettant de réaliser tous les bruitages possibles et imaginables, ceux censés être réalisés sur le plateau par la comédienne Justine Bachelet) manipulés par l’ingénieure du son et bruiteuse Éléonore Mallo, alors que Jennifer Montesantos en servante de scène dévide un rouleau sur lequel sont inscrits les renseignements basiques concernant celui qui va devenir le personnage principal de la petite fiction théâtrale, le soldat Louis Verrier, d’un régiment envoyé au front, car nous sommes au début du XXe siècle et c’est de la guerre – celle dans les tranchées – dont il va être question. Le prodige c’est qu’avec trois fois rien, et même avec un minuscule espace planté au milieu de la scène, avec une jeune femme dans le rôle du soldat, Tamara Al Saadi, présente sur un côté du plateau en discrète cheffe d’orchestre du chœur des spectateurs, parvient à installer sa fiction ô combien dramatique avec une inventivité de tous les instants : soldat gisant par terre, Jennifer Montesantos vient lui déverser un peu de terre autour du corps et c’est toute la guerre des tranchées qui s’installe. La même Jennifer Montesantos lui apposera un peu plus tard du rouge sur la poitrine, et la fiction dramatique se poursuit…

L’extraordinaire c’est que dans cette démonstration de ce que peut être l’art théâtral, Tamara al Saadi parvient à instiller un violent réquisitoire contre la guerre.

Une parfaite réussite.