AVIGNON IN : Insupportable solitude

Jean-Pierre Han

21 juillet 2022

in Critiques

Solitaire de Lars Noren. Mise en scène de Sofia Adrian Jupither. Festival d’Avignon in. La Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon, Jusqu’au 23 juillet à 16 heures. Tél. : 04 90 14 14 14. festival-avignon.com

Déjà avec Samuel Beckett auquel on ne manquera pas de songer, l’humaine condition condamnée à attendre au bord d’une route, n’était pas d’une franche gaieté (même si son œuvre n’est pas dénuée d’humour), avec Lars Noren servi une fois de plus avec un réel talent par la suédoise Sofia Adrian Jupither, cette humaine condition s’avère encore plus dérisoire et terrifiante (terrifiée ?). D’abord parce que l’ombre de la mort plane sur toute la pièce – impossible de s’y soustraire –, et l’auteur qui devait disparaître en 2021 quelque temps après l’avoir écrite, savait plus que jamais de quoi il en retournait, la sentant sans doute à ses trousses ou dans son corps. Ensuite parce que le dispositif imaginé (par l’auteur et/ou la metteure en scène) rend les choses carrément insupportables au cas où ce qui est décrit ne l’aurait pas suffisamment été. Soit à l’intérieur d’un carré vaguement lumineux en comparaison de l’obscurité ambiante un groupe d’une dizaine de personnes, tous collés les uns aux autres sans raison apparente puisqu’il ne se connaissent pas et que rien ne les relie. Ils se demandent d’ailleurs ce qu’ils font là, dans cette position, et plus simplement ce qui les a amené à être là. Drôle de chœur : ce n’est pas encore la mastication des morts, l’œuvre de Patrick Kermann, que l’on va présenter dans quelques jours dans la même Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon, mais la mastication des encore vivants en route vers la mort…

Ce que réalise Sofia Adrian Jupither qui connaît particulièrement bien l’œuvre de Lars Noren, avec l’aide de ses dix comédiens, tous parfaits dans la ciselure de l’ensemble, chacun s’enfermant de manière névrotique dans son personnage, est parfait dans sa précision et son agencement sur le plateau absolument nu et plongé dans l’ombre. Il n’y a rien sinon cette grappe humaine posée là, toute agitée dans son carré de lumière. Rien, ni avant, ni après, ni le moindre bout d’histoire auquel on pourrait éventuellement s’accrocher. Neutralité et anonymat parfaits. C’est cet en-soi qui effraie. Pour un peu nous pourrions à notre tour être saisis et entrer dans le groupe, faire le onzième de cette sorte de monstre. Est-cela la condition humaine ? Une addition de solitudes ?…