AVIGNON OFF : DU COUSU MAIN
Mon visage d’insomnie de Samuel Gallet. Mise en scène deVincent Garanger. Festival d’Avignon off. jusqu’au 29 juillet. Le 11, à 18 h 30. Tél. : 04 84 51 20 10.
Avec Mon visage d’insomnie Samuel Gallet fait un pas de côté, délaisse son collectif Eskandar, en répondant à une commande de Didier Lastère et Vincent Garanger respectivement responsable et co-responsable (avec Pauline Sales pour ce dernier) de compagnies œuvrant essentiellement en direction des écritures contemporaines. La commande apparaît à la fois comme une contrainte et aussi comme une sorte de libération pour l’auteur. Contrainte libératrice (!) avec quelques données concernant le nombre de personnages et la volonté de suivre autant que faire se peut une thématique ressortissant au genre « policier », c’est-à-dire plongeant dans les eaux du mystère (voire de la peur et du fameux suspense), de l’énigme à résoudre, l’affaire semble plutôt paradoxale, elle fonctionne pourtant à plein. Et voilà d’ailleurs que dès le titre Samuel Gallet annonce une couleur quelque peu étonnante mais très parlante, celle d’un « visage d’insomnie ». Un insomnie propice à toutes les audaces de l’imagination, à toutes les rêveries ; s’agit-il de mettre « en sommeil » la raison permettant d’engendrer des monstres comme aurait dit (et peint) Goya ?… Nul doute que Samuel Gallet, grand amateur et fin connaisseur de littérature aura pris un grand plaisir à répondre à la commande, celle des deux metteurs en scène et la sienne propre en investissant des registres d’écriture différents, par pur plaisir ?
C’est un véritable bonheur de voir comment le metteur en scène Vincent Garanger se saisit du texte de Samuel Gallet. Le ton est donné dès l’entame du spectacle, dès la première image, celle montrant Didier Lastère dos au public, planté devant une grande baie vitrée qui ouvre sur un horizon infini, celui de la mer au loin. Avec une lumière annonçant peut-être de futurs orages. Silence. Avec en plan rapproché le deuxième personnage, une jeune femme campée par Cloé Lastère. Les lignes sont bien dessinées, pures. Du David Hockney. Et déjà s’installe une drôle d’atmosphère. Un drôle de « visage » général.
On passera, pour ne pas déflorer le sujet « policier » et sa non résolution, l’évolution de l’intrigue parfaitement tricotée, toute en fausse douceur. Qu’il suffise de dire que suspense et coups de théâtre ne manquent pas, menés de main de maître par un trio qui joue avec beaucoup de doigté et de sincérité la partition : Didier Lastère donc, Cloé Lastère et Djamil Mohamed. Du cousu main, je le répète, qui laisse planer le doute sur tout ce qui se déroule, meurtre (car meurtre comme dans tout bon polar il y a) y compris.