Le monde comme il va

Jean-Pierre Han

15 février 2022

in Critiques

Candide de Voltaire. Mise en scène d’Arnaud Meunier. Théâtre de la Ville – Espace Cardin, jusqu’au 18 février à 20 heures. Puis tournée au Mans, à Aix-en-Provence et à Saint-Etienne. Tél. : 01 42 74 22 77. theatredelaville-paris.com

Bien sûr, monter Candide ou l’optimisme (n’oublions jamais la deuxième partie du titre), va, dans le monde tel qu’il est et tel que nous le subissons, presque de soi, même si ce n’est pas une œuvre théâtrale, ce dont plus personne ne se formalise aujourd’hui. Résultat : Candide ou l’optimisme apparaît sur nos scène assez régulièrement, et il y a tout lieu de s’en réjouir lorsque les adaptations ont la qualité d’une des dernières en date d’il y a déjà quelques années, celle proposée par Maëlle Poésy et Kevin Keiss par exemple. Il faudra désormais ajouter la version que propose aujourd’hui Arnaud Meunier, avec l’aide de Parelle Gervasoni, dans un tout autre registre, mais avec au bout du compte (du conte ?) la même leçon philosophique de l’auteur et c’est bien là l’essentiel.

Pour ce faire Arnaud Meunier met ses pas dans ceux de Joann Sfar, un auteur de bande dessinée, lui-même philosophe, qui s’était tout simplement saisi de l’œuvre de Voltaire dans la plus stricte fidélité, n’hésitant pas à dialoguer avec l’auteur ! C’est un livre d’images que nous offre Arnaud Meunier et ses compagnons de travail, car c’est un travail d’équipe qui se développe rythmé par les interventions musicales de Matthieu Desbordes et de Matthieu Naulleau, présents sur scène, en marge des images, pourrait-on dire. Soit donc une boîte aux couleurs d’un bleu très clair aux côtés parfaitement délimités, au-dessus de laquelle est inscrite la devise « Le meilleur des mondes possibles » au cas où nous oublierions le postulat en cours de route. En fait de meilleur des mondes nous allons donc être copieusement servis, par le biais des personnages sortis tout droit de l’image et qui vont œuvrer sur le devant de la scène en une série de tableaux (de pages ou séquences) après s’être présentés, plaisantes marionnettes bien dessinées en avant-propos... Le roman d’apprentissage du jeune Candide peut donc commencer et se poursuivre jusqu’à plus soif, ou plus exactement jusqu’au bout des 30 chapitres du conte, qui par leur nombre prouve à quel point le tour des malheurs et des catastrophes endurés par Candide a été parcouru.

L’équipe – homogénéité d’une équipe théâtrale au travail – se met en quatre pour illustrer le propos entre ironie et caricature dans les costumes ad hoc signés Anne Autran sans oublier le (grand) jeu baroque des perruques et des maquillages de Cécile Kretschmar. Mais c’est surtout la dextérité des comédiens funambules, l’équilibre entre une très subtile ironie et les grosses charges n’est pas évident, qu’il faut retenir. Ils s’acquittent à merveille (et en chœur) de la tâche. La moindre des choses étant de tous les citer, Cécile Bournay, Philippe Durand, Gabriel F., Manon Raffaelli, Roman Fauroux, Nathalie Matter, Stéphanie Piveteau, Frederico Semedo, une bonne partie d’entre eux étant issus de l’école de la Comédie de Saint-Étienne que dirigeait alors Arnaud Meunier avant de s’en aller s’installer à la MC2 de Grenoble.