7 minutes de compte à rebours

Jean-Pierre Han

5 octobre 2021

in Critiques

7 minutes de Stefano Massini. Mise en scène de Maëlle Poésy. Théâtre du Vieux-Colombier, à 20 h 30, jusqu’au 17 octobre. Tél. : 01 44 58 15 15. www.comedie-francaise.fr

Du choix de l’auteur et de sa pièce jusqu’à sa réalisation, en passant par la distribution et son équipe de travail, de Kevin Keiss son dramaturge habituel à Hélène Jourdan sa scénographe, en passant par Camille Vallat, Mathilde Chamoux ou Samuel Favart-Mikcha, Maëlle Poésy a tout bon. L’auteur ? C’est Stefano Massini à qui l’on doit la remarquable saga familiale Lehman Trilogy, un gage d’acuité pour mettre au jour les rouages de la machine à faire du fric et, ici, à broyer des petites gens des classes populaires comme on dit désormais, toutes des femmes qui plus est. Sa pièce ? 7 minutes, ce sont les 7 minutes que les repreneurs d’une entreprise en péril, Picard & Roche (Stefano Massini pense clairement à Lejaby) demandent à son personnel de sacrifier sur leur temps de pause pour sauver les emplois. Trois fois rien en somme, sauf qu’à multiplier ces 7 minutes par le nombre d’ouvrières, 200, et par autant de jours de travail dans le mois, cela donne un chiffre mensuel plutôt conséquent. Encore faut-il être en capacité de faire l’opération et surtout d’intégrer le résultat dans sa conscience, ce qui n’est pas forcément évident, car pour l’heure il faut avant tout tenter de sauver sa peau, c’est-à-dire son emploi. Tout va se concentrer autour de cette équation. Elles sont donc onze déléguées du personnel, ou plutôt dix plus une, à attendre le résultat des décisions que vont prendre ces messieurs enfermés depuis des heures dans une salle avec la représentante du petit groupe. Dix plus une qui vont devoir voter pour savoir s’il elles acceptent ou non la proposition. Avec un tel scénario à suspense, Stefano Massini et à sa suite Maëlle Poésy jouent gagnant. L’enjeu dramatique, comme dans 12 hommes en colère auquel on pense, est impitoyable. Reste simplement à faire monter la tension : c’est du cousu main au plan de l’écriture. C’est du cousu-main pour la metteure en scène à condition de savoir gérer les actrices dans un développement choral, avec le caractère des unes et des autres taillés à la serpe : des rôles dramatiques en or en somme. Maëlle Poésy qui a de la poigne – c’est une de ses qualités – gère au mieux l’ensemble, détache Véronique Vella seule contre toutes (il faudrait citer l’ensemble de la distribution) et entreprend d’essayer avec elle d’inverser le cours des choses. Suspense assuré dans une tenue de haute qualité. Les comédiennes du Français s’y entendent à merveille dans des rôles qui, même s’ils sont subtils, sont quand même d’un seul tenant psychologique.

Du théâtre « traditionnel » pour un propos qui colle à la réalité sociale et politique dans laquelle nous baignons, mais sans surplomb ni jugement. Sorte de ballet réglé à la perfection par Maëlle Poésy, le tout dans une sorte de no man’s land dans l’usine, puisque ces déléguées n’ont pas de lieu de réunion et sont donc obligées de se réunir et de discuter dans un coin de l’entrepôt. Joué en bi-frontal l’ensemble n’en est que plus efficace : une réelle réussite.