Des moutons et des hommes

Jean-Pierre Han

17 juillet 2021

in Critiques

The Sheep song, par le FC Bergman. Festival d’Avignon. L’Autre scène du Grand Avignon-Vedène. Jusqu’au 25 juillet à 15 heures. Tél. : Tél. : 04 90 14 14 14. festival@festival-avignon.com

On attendait avec une certaine impatience la venue des flamands du FC Bergman qui avaient connu un immense succès il y a cinq ans ici même au Festival, avec Het Land Nod. Impatience d’autant plus grande que l’on espérait vivement cette éclaircie dans une édition pas franchement passionnante dans le ressassement de thèmes qui sont ceux que notre société bat et rebat jusqu’à plus soif sans pour autant jamais atteindre ni même aborder le cœur des problèmes. Question éclaircie, le terme n’est pas franchement approprié puisque l’ensemble de la représentation de Sheep song, la nouvelle production du FC Bergman, se passe dans une semi obscurité ! Mais prenons la chose dans un sens plus allégorique : là aussi, à vrai dire, on reste dans un entre-deux. Le spectacle est parfaitement réussi, enthousiasmant un peu moins.

C’est annoncé d’emblée : il s’agit d’une fable animalière telle que l’on pouvait en trouver au Moyen-Âge paraît-il et à qui elle emprunte la « technique » des stations, autrement dit des tableaux (petites boîtes ou mansions) qui s’enchaînent les uns aux autres. Sur le plateau de l’Autres Scène de Vedène, le cadre bien dessiné y est : on y restera durant tout le temps de la représentation, l’innovation consistant à avoir installé d’étroits tapis roulant de jardin à cour nous permettant de passer d’un tableau à l’autre sans coup férir. Les personnages se retrouvent dès lors entre immobilité et mouvement, s’effaçant (disparaissant) s’ils ne bougent pas. Alors peut défiler toute une vie, celle en l’occurrence d’un mouton qui s’extrait de son troupeau, présent sur scène dans le premier tableau, pour aller vers l’humanité, et le voilà en pleine métamorphose, mi-mouton, mi-homme, à franchir toutes les étapes de la vie humaine : accouplement puis naissance de son enfant, passage de la nature au macadam de la ville avec ses tours d’habitation, etc. C’est réalisé comme un film muet. Et c’est là une incontestable réussite d’autant que le mouton-homme est interprété de remarquable manière par le comédien Jonas Vermeulen, plus vrai que nature dans ce qui s’apparente à des pas de danse, si tant est que l’on puisse parler de nature concernant cette créature qui finira – et la fable s’achèvera, périple terminé, sur cette note franchement sombre – par réintégrer son troupeau d’origine et bêler à nouveau avec lui.

La démonstration – il s’agit toujours un peu de cela – est réglée de main de maître par le collectif, les tableaux plongés dans une semi pénombre, de toute beauté. Avec beaucoup d’inventivité dans la composition avec les autres personnages assumés par cinq comédiens chargés de représenter les nombreuses figures de notre anonyme humanité. Au-delà, et malgré les savantes exégèses proposée par le collectif, on reste sur son quant-à-soi.